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Page:Aimard - Le forestier.djvu/19

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Le Forestier

Le premier soin du forestier fut de lui venir en aide et d’essayer de lui faire reprendre ses forces épuisées.

De même que les autres chasseurs ses confrères, il avait toujours une gourde remplie d’aguardiente pendue à son côté.

Il la déboucha, et versa quelques gouttes de ce qu’elle contenait sur les lèvres de l’étranger

Ce secours suffit pour le rappeler à lui.

Il se redressa et parvint avec l’aide du chasseur à se remettre debout.

— Êtes-vous blessé, señor ? lui demanda No Santiago avec intérêt.

— Non, je ne crois pas, répondit-il d’une voix faible encore, mais qui se raffermissait de plus en plus ; quelques égratignures peut-être, mais rien de grave.

— Dieu soit loué ! mais comment se fait-il que je vous rencontre en si fâcheuse position ?

— Le roi chassait aujourd’hui.

— Ah !

— Oui, j’appartiens à la cour ; emporté malgré moi à la poursuite de la bête, je me suis égaré.

— Et vous avez été attaqué par six bandits qui vous malmenaient fort.

— Lorsque heureusement pour moi Dieu vous a envoyé à mon secours.

— Oui, fit le forestier en souriant, je crois qu’il était temps qu’il vous arrivât de l’aide.

— Si grand temps même, señor, que, sans vous maintenant je serais mort je vous dois la vie, señor, je m’en souviendrai.

— Bah ! oubliez cela, c’est la moindre des choses ; j’ai fait pour vous ce que j’aurais fait pour tout autre.

— C’est possible, cela me prouve que vous êtes un homme de cœur, mais ne diminue en rien la dette que j’ai contractée envers vous. Je suis riche, puissant, bien en cour, je puis faire beaucoup pour mon sauveur.

— Oubliez-moi, caballero, je ne vous en demande pas davantage. Grâce à Dieu, je n’ai besoin de la protection de personne, le peu que je possède me suffit je suis heureux dans ma médiocrité, tout changement ne pourrait que m’être défavorable.

L’inconnu soupira.

— Vous souffrez, reprit vivement le forestier ; la fatigue, le besoin peut-être, vous accablent ; l’orage redouble, nous ne pouvons rester ici plus longtemps ; il nous faut trouver un abri ; croyez-vous pouvoir retrouver le rendez-vous de chasse ?