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Page:Aimard - Le forestier.djvu/198

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Le Forestier, par Gustave Aimard

— Je ne dis pas cela, comte.

— Hein ! Que dites-vous donc alors ?

— Votre valet de chambre ne vous a-t-il pas annoncé que je venais pour affaire grave ?

— Certes, mais je ne suppose pas que cette affaire grave soit, par exemple, de me payer les cent cinquante onces d’or que vous avez perdues hier contre moi, sur parole, au bal du gouverneur ?

— Pas précisément, bien qu’il y ait un peu de cela ; les dettes de jeu se paient dans les vingt-quatre heures, ajouta-t-il en empilant sur une table la somme énoncée.

— Quelle folie de vous danger si matin pour une pareille misère !

— J’avais un autre motif encore.

— C’est juste, je l’avais oublié.

— Tel que vous me voyez, mon cher comte, je suis envoyé vers vous en ambassadeur.

— Quelle que soit la mission dont vous êtes chargé, aucun ambassadeur ne saurait m’être plus agréable.

— Merci ! comte. Voici la chose en deux mots.

— Je vous écoute.

— À propos, s’écria le capitaine en s’interrompant tout à coup, vous savez la nouvelle ?

— Moi, je ne sais rien, je sors du lit.

— C’est vrai eh bien, du reste, elle est toute fraîche de cette nuit ; eh bien, dis-je, cette nouvelle, la voici, les ladrones se sont échappés.

— Quels ladrones ? pardon ! je ne suis pas bien au courant encore.

— Comment ! vous ne vous rappelez pas ces dix ladrones français dont je m’étais emparé.…

— Attendez donc dans une pirogue, je crois ?…

— C’est cela même.

— J’y suis maintenant, eh bien ?

— Eh bien, ils se sont échappés ?

— Comment, échappés ?

— Comme on s’échappe, pardieu ! Figurez-vous qu’ils étaient renfermés dans la prison, où ils attendaient le moment d’être pendus ; il paraît que mes gaillards n’avaient qu’une médiocre vocation pour ce genre de mort.

— Je comprends cela.

— Moi aussi.