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Page:Aimard - Le forestier.djvu/206

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Le Forestier, par Gustave Aimard

Dans ta chambre du conseil, une table, surchargée d’une magnifique argenterie et encombrée de mets de toutes sortes, froids naturellement, attendait les convives du capitaine.

Mais, à l’agitation extraordinaire qui régnait à l’avant, dans la cuisine, il était facile de comprendre que ces mets froids ne formeraient, le moment venu de se mettre à table, que la partie la plus minime du déjeuner.

Après avoir tout vu, tout visité, tout admiré, le comte remonta sur le pont en compagnie de son complaisant cicerone.

« Pardieu ! disait à part lui le flibustier tout en souriant au capitaine, j’ai définitivement bien fait de ne pas consentir à ce que ce démon de Michel m’accompagnât à bord de cette Perla, la bien nommée ; la vue de tant de richesses l’eût rendu fou, et alors Dieu sait ce qui serait arrivé. »

En ce moment, plusieurs canots furent signalés se dirigeant vers la corvette.

Le plus rapproché de tous portait le pavillon espagnol à l’arrière.

Ce canot était celui du gouverneur.

Quatre personnes étaient assises dans la chambre d’arrière deux hommes et deux dames.

Ces quatre personnes étaient le gouverneur lui-même, don Ramon de la Cruz, revêtu de son grand uniforme, tout chargé d’or et de broderies, don Jésus Ordoñez de Silva y Castro, plus modestement habillé, bien qu’avec un certain luxe de bon goût, doña Linda de la Cruz, fille du gouverneur, ravissante jeune fille à peu prés du même âge que la fille de don Jesus, pour laquelle elle professait une profonde amitié, et doña Flor Ordoñez, que le lecteur connait depuis longtemps déjà, et sur la beauté et la grâce de laquelle il est inutile de s’appesantir de nouveau.

Les embarcations suivantes, au nombre de trois, semblaient maintenir avec intention une distance assez considérable entre elles et le canot du gouverneur, témoignage de respect sans doute de la part des personnes qui montaient ces embarcations.

À peine le canot du gouverneur eut-il été signalé que, sur un geste muet du capitaine Sandoval, le branle-bas de combat fut fait à bord de la corvette. Cette manœuvre, si simple en apparence pour tes gens qui ne sont pas du métier, est en réalité une des plus difficiles et des plus compliquées de la stratégie navale.

Le branle-bas de combat ne doit pas en moyenne durer plus de cinq minutes pour être complètement exécuté ; il rompt brutalement toutes les habitudes de la vie maritime.

En cinq minutes, les cloisons intermédiaires sont enlevées, les cuisines