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Page:Aimard - Le forestier.djvu/25

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Le Forestier

— Ce que c’est que de nous ! murmura Juanito, qui était un esprit fort ; bah ! après nous la fin du monde.

L’inconnu fut doucement pose à terre ; le forestier se pencha sur lui, et interrogea son pouls ; il était faible, mais distinct : l’inconnu était évanoui.

No Santiago se redressa.

— Nous le sauverons ! dit-il joyeusement.

— Amen ! répondirent les deux serviteurs.

— Allons, à la besogne vivement, faisons un brancard.

— Oh ! ce ne sera pas long.

— Surtout si nous nous y mettons tout de suite.

Les chiens léchaient doucement le visage de l’inconnu en poussant de petits cris plaintifs.

Ces caresses le firent revenir à lui ; il ouvrit tes yeux.

— Mon Dieu ! murmura-t-il, j’ai cru mourir.

— Vous vous êtes trompé, heureusement, dit gaîment le forestier.

— Ah vous, mon sauveur, prés de moi, encore.

— Toujours.

— Vous ne m’avez pas abandonné ?

— Vous abandonner ! allons donc, on voit bien que vous ne me connaissez pas, allez !

— Vous m’avez encore sauvé !

— Tout ce qu’il y a de plus sauvé. Ainsi, soyez tranquille.

— Comment m’acquitterai-je jamais avec vous ?

— Je vous l’ai dit déjà, en ne me donnant rien ; ce sera facile.

— Oh ! ne me parlez pas ainsi.

— Pourquoi donc cela ? Tenez, laissez-moi vous parler franc, afin de couper court à votre reconnaissance.

— Dites.

— Est-ce que vous vous figurez que je vous ai sauvé pour vous et que je me suis donné toute la peine que j’ai prise dans le but de vous être agréable ?

— Dans quel but, alors ?

— Allons donc ! vous êtes fou, señor. Je ne vous connais pas, moi je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir. Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait pour moi seul, par égoïsme, purement et simplement ; pour me faire plaisir, enfin. J’adore rendre service ; c’est une manie comme une autre chaque homme a la sienne, moi, j’ai cette-là, voilà tout.

— Quel homme étrange vous êtes !

— Je suis comme cela ; c’est à prendre ou à laisser.