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Page:Aimard - Le forestier.djvu/31

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26
Le Forestier

— Non pas. Si cela vous est égal, je préfère descendre, au contraire.

— À votre aise, je vous attends alors.

Et pendant que l’étranger refermait la fenêtre, il ouvrait, lui, le chenil, et avait grand’peine à se débarrasser des caresses un peu vives de ses chiens, qui sautaient presque jusque sur ses épaules, tant ils étaient heureux de le voir.

— Ce sont de bonnes bêtes, dit l’inconnu en s’approchant.

— Oui, elles sont franches au moins ; leur amitié me console de l’hypocrisie et de la méchanceté des hommes, répondit-il avec un sourire railleur.

— Toujours ces paroles singulières.

— Pourquoi pas, si elles sont l’expression vraie de ma pensée, mon hôte ?

— Alors je vous répéterai que pour en arriver là vous avez dû bien souffrir.

— Et moi je vous répondrai, comme cette nuit : Qui sait ? Mais laissons ce sujet qui nous mènerait trop loin ; vous désirez causer avec moi, m’avez-vous dit ?

— Oui, s’il vous plaît.

— Rien de plus simple : je prends un fusil, je vous en donne un autre. En attendant le déjeuner, nous allons tirer quelques gélinottes, et tout en chassant, nous causons ; cela vous va-t-il ?

— Je le voudrais, malheureusement c’est impossible, fit-il avec un soupir étouffé.

— Comment ! impossible ? et pourquoi donc cela ? Vous ressentez-vous encore de vos fatigues de cette nuit ? En ce cas c’est différent, je n’insiste pas.

— Non, dit-il en hochant la tête, ce n’est pas cela.

— Qu’est-ce donc, alors ?

— Il faut que je vous quitte, dit-il avec effort.

— Me quitter déjà ? allons donc ! vous plaisantez certainement ?

— Non, mon hôte, malheureusement ; je vous l’ai dit, j’appartiens à la cour, mon devoir m’ordonne de retourner immédiatement à Tolède auprès du roi.

— C’est vrai, je l’avais oublié ; je n’insiste pas, mon hôte ; entrons, je vais vous faire servir une tasse de lait chaud, avec une bouchée de pain, et puis après vous vous mettrez en route.

Au moment où ils entraient dans la chaumière, Cristiana et sa sœur, comme si elles eussent deviné pourquoi les deux hommes revenaient, déposaient des bols de lait fumant sur une table.