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Page:Aimard - Le forestier.djvu/45

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Le Forestier

d’or curieusement ciselée, puis il en retira plusieurs parchemins remplis de sceaux et de cachets de toutes sortes et de toutes couleurs.

— Voici ! dit le roi, tous les papiers relatifs aux affaires dont nous avons parlé, vos titres de propriétés ; enfin tout ce qui vous appartenait et que je vous ai rendu voici de plus votre nomination au gouvernement de la province de Biscaye ; ce dernier papier est le contrat rédigé par moi de mon mariage avec doña Cristiana ; vous verrez que je lui reconnais une dot d’un million de piastres, et que je lui assure en même temps un douaire de deux cent mille piastres par an.

— Ah sire, c’est trop.

— Nous ne sommes pas d’accord, mon cousin ; moi je trouve que ce n’est pas assez, mais passons : voici la clef et le portefeuille, mon cousin serrez toutes ces paperasses et parlons d’autre chose.

— Sire.

— Demain, s’il est possible, mon cousin, il vous faudra quitter cette vallée où vous avez été si heureux, et partir pour Madrid avec toute votre famille ; votre palais de la calle d’Alcala, fermé depuis si longtemps, est prêt à vous recevoir.

— J’obéirai à Votre Majesté. Sire, demain je serai parti.

— Très bien de mon côté je quitte Tolède ce soir, de sorte que nous arriverons presque en même temps à Madrid ; je viens maintenant à la partie plus délicate de ma mission, et pour plus de sûreté, afin d’être bien compris de vous, mon cousin, je continuerai vous parler avec la plus entière franchise.

Le duc s’inclina respectueusement.

— Vous savez, ou vous ne savez pas, mon cher don Luis, reprit le roi avec une feinte gaieté qui cachait mal son embarras, que je suis, ou du moins que je passe pour un roi très faible et très débonnaire, qui se laisse conduire par ses ministres, et fait à peu près tout ce qu’ils veulent.

— Oh ! sire !

— C’est exact. Or, il résulte ceci : c’est qu’en effet, soit ennui, soit lassitude de la lutte contre des natures plus opiniâtres que la mienne, il y a beaucoup de vrai dans ces reproches, j’en conviens, mais qu’y faire ? Maintenant, la chose est sans remède. M le comte-duc d’Olivarès, mon premier ministre, gouverne le royaume à peu près à sa guise ; je le laisse faire ; comme en réalité, c’est un profond politique et un homme qui possède une grande expérience des affaires, presque toujours je m’en trouve bien. Il ressort de tout cela que, ne voulant pas m’attaquer à lui de front lorsqu’il me prend une