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Page:Aimard - Le forestier.djvu/95

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Le Forestier

— Voilà qui est mieux, j’aime le grand jour.

— Quant aux souterrains dont parle la tradition, ils n’existent sans doute que dans l’imagination des peones et des Indiens, gens tes plus crédules qui soient.

— C’est vrai ; continuez.

— Bien que cette hacienda soit construite sur le sommet d’une éminence assez élevée, elle ne possède cependant pas de cave ; d’ailleurs vous savez, señor, que ce n’est pas la coutume en Amérique d’établir des caves sous les habitations.

— Diable ! fit l’haciendero.

— La même tradition ajoute, continua le mayordomo, que les passages et tes souterrains se continuent sons terre, et débouchent en plusieurs endroits fort éloignés les uns des autres, à une grande distance dans la campagne.

— Voilà qui est peu récréatif ; on n’est plus chez soi alors.

— Oh reprit vivement le mayordomo, cette tradition doit être fausse.

— Qui vous le fait supposer ?

— Depuis dix ans, señor, sent j’habite l’hacienda, dont je possède un plan très complet que j’ai dressé moi-même. J’ai visité la maison peut-être cent fois dans les plus grands détails ; tous les appartements secrets, toutes tes portes dérobées, ont été peu à peu découverts par moi. Ce ne sont que des lieux de refuge en cas d’attaque et de surprise, pas autre chose. Aucun escalier secret n’existe de ce côté, je m’en suis assuré ; de plus, aucune porte dérobée ne donne dans les appartements que vous avez choisis.

— C’est juste. Après ?

— Cependant, je voulus avoir le cœur net de tout cela, et comme j’etais seul et maître d’agir à ma guise, j’ordonnai plusieurs battues que je surveillai moi-même ; ces battues s’étendirent bientôt à cinq, six et même sept lieues autour de l’hacienda.

— Et on ne découvrit rien ?

— Rien, señor.

— Alors, c’est qu’il n’y a rien de vrai dans tout cela.

— Pour moi, j’en suis convaincu.

— Bientôt, j’espère l’être, moi aussi faites monter deux ou trois peones avec les outils nécessaires pour desceller cette porte.

— Le majordome s’inclina et sortit ; un quart d’heure après il était de retour ; trois peones l’accompagnaient.

— Mes enfants, dit l’haciendero, descellez cette porte, mais procédez avec précaution, de façon à ne pas l’endommager, s’il est possible.