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Page:Aimard - Les Aventuriers, 1891.djvu/69

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gouverneur lui avait dit la vérité, et si son contenu était bien réellement intact.

En effet, le coffre n’avait pas été visité.

Dans la prévision d’une arrestation probable, le comte, lorsqu’il s’était mis à la poursuite du duc de Peñaflor, avait acheté plusieurs objets qu’il retrouva avec la plus vive satisfaction.

À part une certaine quantité d’habits et de linge, le coffre contenait une corde de soie très fine et très solide longue de près de cent brasses, deux paires de pistolets, un poignard, une épée, de la poudre et des balles ; objets que le gouverneur aurait confisqués sans scrupules aucuns, s’il les avait vus, et dont le comte, se fiant au hasard, s’était muni à tout événement.

Il y avait encore plusieurs outils en fer et en acier, et, cachée dans un double fond dissimulé avec soin, une bourse très lourde contenant une somme de vingt-cinq mille livres en or, sans compter une autre somme presque aussi considérable en quadruples d’Espagne cousue dans une large ceinture en cuir.

Dès que le comte se fut assuré que le major ne lui avait pas menti, il referma soigneusement le coffre, en suspendit la clef à son cou par une chaînette d’acier, et il s’assit tranquillement au coin de la cheminée.

Ses méditations furent interrompues par le geôlier.

Cette fois, cet homme, non seulement lui apportait une literie complète, fort supérieure à celle qu’il lui avait donné d’abord ; mais il avait ajouté un tapis, un miroir et jusqu’à des ustensiles de toilette.

Une nappe fut étendue sur la table que, dans un instant, il couvrit d’un dîner assez appétissant.

— M. le major vous prie de l’excuser, monsieur, dit-il ; demain il vous donnera ce que vous lui avez demandé. En attendant, il vous envoie ces livres.

— C’est bien, mon ami, répondit le comte. Comment vous nommez-vous ?

— La Grenade, monsieur.

— C’est vous, la Grenade, que le gouverneur a désigné pour me servir ?

— Oui, monsieur.

— Mon ami, vous me paraissez un brave garçon, voici trois louis pour vous. Tous les mois, si je suis satisfait de votre service, je vous en donnerai autant.

— Vous ne m’auriez rien donné, monsieur, répondit la Grenade en prenant l’argent, que cela ne m’aurait pas empêché de vous servir avec tout le zèle dont je suis capable ; et si je reçois ces trois louis, c’est seulement parce qu’un pauvre diable comme moi n’a pas le droit de refuser un cadeau d’un généreux gentilhomme comme vous. Mais, je vous le répète, monsieur, je vous suis tout acquis, et vous pouvez user de moi pour tout ce qui vous plaira.

— Ouais ! fit le comte avec étonnement ; je ne vous connais pas cependant, que je sache, la Grenade ; d’où vient, je vous prie, ce grand dévouement à ma personne ?

— Je ne demande pas mieux que de vous le dire, monsieur, si cela vous intéresse : je suis lié d’amitié avec M. François Bouillot, auquel j’ai certaines obligations ; c’est lui qui m’a ordonné de vous servir et de vous obéir en tout.