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Page:Aimard - Les Aventuriers, 1891.djvu/98

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— Oui, procédons par ordre, vous avez promis cinquante mille livres à monsieur ?

— En effet, je les lui ai promises.

— Et vous m’autorisez à les lui donner ?

— Certes !

— Bon, alors il les aura ; et se tournant vers le major : Vous avez scrupuleusement tenu vos promesses, nous tiendrons les nôtres aussi loyalement. Voici d’abord votre diamant que je vous restitue ; l’argent, dans un instant je vous le donnerai ; je crois que vous ne vous souciez pas plus que nous de mettre le pied en France, hein ?

— Je n’y tiens pas le moins du monde, répondit le major, heureux d’être rentré en possession de son diamant.

— Où voulez-vous être débarqué ? L’Angleterre vous sourit-elle, ou bien aimez-vous mieux l’Italie ?

— Hum ! je ne sais trop.

— Préférez-vous l’Espagne ? cela m’est égal, à moi.

— Pourquoi pas le Portugal ?

— Le Portugal, soit, nous vous y laisserons en passant.

Le comte avait écouté avec une surprise croissante cette conversation incompréhensible pour lui.

— Qu’est-ce que cela signifie ? dit-il enfin.

— Cela signifie, capitaine, répondit nettement Michel, que le roi n’a pas signé votre grâce, que vous êtes prisonnier et seriez probablement demeuré prisonnier toute votre vie, si, heureusement pour vous, monsieur n’avait pas consenti à vous ouvrir la porte.

— Monsieur ! s’écria le comte en faisant un mouvement vers le major.

Michel l’arrêta.

— Ne vous hâtez pas de le remercier, dit-il, attendez qu’il vous raconte ce qui s’est passé et de quelle façon il s’est trouvé amené à vous rendre la liberté lorsque peut-être il aurait préféré ne pas le faire.

— Voyons, voyons, dit le comte en frappant du pied avec colère, expliquez-vous ! je ne comprends rien à tout cela ; je veux tout savoir, tout, entendez-vous bien ?

— Cet homme va vous le dire, capitaine, seulement il craint en ce moment les suites de ses aveux, voilà pourquoi il hésite à vous les faire.

M. de Barmont sourit avec dédain.

— Cet homme est au-dessous de ma colère, fit-il ; quoi qu’il me dise, je ne me vengerai de lui en aucune façon ; d’avance il est pardonné, je lui en donne ma foi de gentilhomme.

— Maintenant parlez, major, dit Michel ; pendant ce temps-là je remonte sur le pont avec le patron Nicaud ou, si vous le préférez, Vent-en-Panne, qui a assez bien joué son rôle dans toute cette affaire.

Michel sortit, les deux hommes demeurèrent seuls.

Le major comprit que mieux valait pour lui s’exécuter franchement et sans ambages ; il raconta donc au comte sa trahison dans tous ses détails, et