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Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/114

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LES CHASSEURS D’ABEILLES

sur un signe du Chat-Tigre, il suivit le grand chef dans son calli, où ils reprirent leurs places devant le foyer. L’amantzin était avec eux.

Sur un signe du Chat-Tigre les femmes sortirent, et lui, après un court recueillement, il prit la parole :

— Mes frères, vous êtes mes fidèles, dit-il, et devant vous mon cœur s’ouvre comme un chirimoya pour vous laisser voir mes plus secrètes pensées ; je suis triste depuis quelques jours.

— Mon père est inquiet de son fils, le Cœur-de-Pierre, dit l’amantzin.

— Non ; que m’importe ce qu’il devient en ce moment ? je saurai le rejoindre quand il le faudra, mais j’ai une mission secrète à confier à un homme sûr ; depuis ce matin j’hésite à m’en expliquer franchement avec vous.

— Que mon père parle, ses fils écoutent, reprit l’amantzin.

— Hésiter plus longtemps serait compromettre des intérêts sacrés : vous allez monter à cheval ; vous, Zopilote, je n’ai rien à vous dire, vous savez où je vous envoie.

Le Zopilote lit un signe d’intelligence.

— Déterminez ces hommes, continua le Chat-Tigre, à nous aider dans notre entreprise, et vous m’aurez rendu un immense service.

— Je le ferai ; dois-je partir à l’instant ?

— Oui, si cela vous est possible.

— Bon, dans dix minutes, je serai loin de l’atepelt.

Après avoir salué les deux chefs, le Zopilote sortit. Quelques instants plus tard, on entendit résonner au dehors le galop d’un cheval qui s’éloignait ; le Chat-Tigre poussa un soupir de satisfaction.

— Que mon frère l’atmantzin ouvre les oreilles, dit-il : je vais quitter l’atepelt, j’espère être de retour cette nuit même ; il se peut cependant que mon absence se prolonge deux ou trois soleils ; je laisse mon frère l’amantzin en mon lieu et place, il commandera les guerriers et les empêchera de s’éloigner du village et de s’approcher de la frontière des Visages-Pàles ; il est important que les Gachupines ne soupçonnent pas notre présence aussi près d’eux, sans cela notre coup serait manqué. Mon frère m’a-t-il bien compris ?

— Le Chat-Tigre n’a pas la langue fourchue ; les paroles que souffle sa poitrine sont claires ; son fils l’a parfaitement compris.

— Bien. Je puis donc m’éloigner en toute sécurité, mon frère veillera sur la tribu.

— Les ordres de mon père seront exécutés ; quelle que soit la durée de son absence, il n’aura à adresser aucun reproche à son fils.

— Ooah ! mon fils enlève par ces paroles la peau qui couvrait mon cœur et le remplissait d’inquiétude. Merci ! Que le Maître de la vie veille sur lui ! je pars.

— Ooah ! mon père est un guerrier sage ; le Wacondah le protégera pendant l’expédition qu’il tente ; il réussira.

Les deux hommes se saluèrent une dernière fois, l’amantzin reprit sa place auprès du foyer, et le Chat-Tigre sortit du calli.