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Page:Aimard - Les Chasseurs d’abeilles, 1893.djvu/234

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LES CHASSEURS D’ABEILLES

s’agit de la défense commune ; j’espère ne pas trouver d’opposition à l’exécution d’un plan qui peut nous sauver tous.

— Quel qu’il soit, nous nous y associerons.

— Je le sais, aussi n’est-ce pas pour vous que je parle, señores, mais seulement pour les habitants de la ville qui s’y refuseront et que nous serons obligés de contraindre ; il nous faut absolument une force imposante pour garnir nos murailles. Voici ce que je vous propose : tous les peones des haciendas seront enrôlés et formés en compagnies ; les négociants composeront un autre corps ; les vaqueros, bien montés et bien armés, défendront nos approches et feront des patrouilles au dehors pour surveiller la plaine ; de cette façon, nous réunirons un effectif d’environ onze cents hommes, nombre plus que suffisant pour tenir tête aux sauvages et les obliger à regagner précipitamment leurs villages.

— Vous savez, colonel, que la plupart des vaqueros que nous avons ici sont des criminels pour lesquels toute perturbation est un prétexte de pillage.

— Voilà, pourquoi ils seront chargés de la défense extérieure ; on leur fera un camp en dehors du presidio, dans lequel ils ne pourront s’introduire sous aucun prétexte. Pour diminuer parmi eux les chances de révolte on les divisera en deux compagnies dont l’une sera constamment à parcourir les environs, tandis que l’autre se reposera. En les tenant ainsi toujours en haleine, nous n’aurons rien à en redouter.

— Quant aux créoles et aux étrangers réunis dans le présidio, dit le major, je crois que nous ferons bien de leur intimer l’ordre de venir passer toutes les nuits au fort, afin de pouvoir nous en servir en cas de besoin.

— Parfaitement ; on doublera aussi le nombre des éclaireurs, afin d’éviter une surprise, et des barrières seront immédiatement placées à toutes les entrées de la ville, afin de nous garantir des terribles charges que les Indiens exécutent quand ils attaquent une position.

— Si vous me le permettez, colonel, dit le major, un homme sûr va être expédié aux hacienderos pour les prévenir de se tenir sur leurs gardes et de se réfugier au presidio lorsqu’on les avertira, par trois coups de canon tirés du fort, de l’approche des Indiens.

— Faites, major, car ces pauvres gens seraient impitoyablement massacrés par les païens ; il faudra aussi avertir les habitants de la ville que, dès que les Indiens seront en vue, toutes les femmes devront se retirer dans le fort, afin d’éviter d’être enlevées ; les sauvages sont friands des blanches, pendant la dernière invasion ils en ont enlevé près de trois cents : il ne faut pas que ce malheur se renouvelle. Je crois, señores, que nous avons paré autant qu’il était en notre pouvoir à tous les dangers qui nous menacent ; maintenant nous n’avons plus qu’à faire notre devoir en gens de cœur : notre sort est entre les mains de Dieu, qui, certes, ne nous abandonnera pas dans un aussi grand danger.

Les officiers se levèrent et se préparèrent à prendre congé de leur chef.

Un assistente entra en ce moment et annonça qu’un nouveau vaquero demandait à faire son rapport au gouverneur.