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Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/139

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LES FRANCS TIREURS.

Fray Antonio se garda bien de répondre ; la terreur l’avait rendu sourd et aveugle.

— Êtes-vous muet ? reprit au bout d’un instant la voix d’un ton amical. Allons ! allons ! venez, il ne fait pas bon parcourir ainsi le désert à une heure aussi avancée.

Le moine ne répondit pas davantage.

— Le diable m’emporte, s’écria l’autre, si la terreur ne le rend pas idiot. Allons, remuez-vous, canarios !

Et il se mit à le secouer vigoureusement.

— Hein ? fit le moine, chez lequel commençait à s’opérer une espèce de réaction.

— Bon, il y a progrès, vous parlez, donc vous n’êtes pas mort, reprit joyeusement Tranquille, car c’était lui qui avait si cruellement effrayé le moine ; voyons, suivez-moi, vous devez être gelé, ne restons pas ici, venez vous chauffer.

Et passant son bras sous celui du moine, il l’entraîna avec lui ; celui-ci le suivit passivement et machinalement sans se rendre encore bien compte de ce qui lui arrivait, mais cependant commençant à reprendre un peu courage.

Au bout de quelques minutes, ils atteignirent la clairière.

— Ah ! s’écria Carméla avec surprise, fray Antonio ! par quel hasard se trouve-t-il par ici, lui qui était parti avec la conducta de plata ?

Cette parole fit dresser l’oreille au chasseur ; il examina attentivement le moine, et le forçant à s’asseoir devant le feu :

— J’espère que le bon père nous expliquera ce qui lui est arrivé, murmura-t-il.