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Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/320

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LES FRANCS TIREURS

sait toutes les limites d’une affection raisonnable et avait acquis les proportions gigantesque d’un véritable fanatisme.

Du reste, ce capitaine dont nous parlerons bientôt, rendait amplement au vieux matelot l’amitié que celui-ci avait pour lui.

— Dites donc, lieutenant, sans vous commander, reprit le timonier, encouragé sans doute par la manière dont lui avait parlé son chef, savez-vous que nous faisons une drôle de navigation depuis quelques jours ?

— Tu trouves, garçon ?

— Dam ! ces bordées continuelles que nous tirons, cette embarcation que nous avons envoyée hier à terre et qui n’est pas encore revenue, tout cela est assez singulier.

— Hum ! fit l’officier, sans exprimer autrement son opinion.

— Où donc que nous allons comme ça, lieutenant ? reprit le matelot.

— Est-ce que tu tiens beaucoup à le savoir, répondit maître Lovel de son air moitié figue, moitié raisin.

— Dam ! fit l’autre en tournant sa chique dans sa bouche et en lançant un jet de salive noirâtre, j’avoue, lieutenant, que cela me flatterait assez.

— Vrai ?… Eh bien ! my boy, dit le vieux marin avec un sourire narquois, si on te le demande, tu répondras que tu ne le sais pas ; de cette façon tu es certain de ne pas te compromettre ; et surtout de ne pas te tromper.

Puis après avoir considéré un instant la mine penaude du timonier à cette étrange réponse, il ajouta :