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Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/385

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LES FRANCS TIREURS.

efforts du vent et occasionnait un calme factice qui permit au jeune homme d’aborder sur la grève étroite où déjà l’attendaient ses compagnons, avec son précieux fardeau. Seulement, en prenant pied sur la langue de sable, il s’évanouit. Les forces humaines ont des limites qu’elles ne peuvent dépasser : tant que le péril avait duré, le Jaguar avait lutté énergiquement ; mais le danger passé, son ami sauvé, il avait été contraint de s’avouer vaincu, et il avait roulé sur le sable avec lui.

Les conjurés furent épouvantés de l’état où ils voyaient leur chef : sans lui que feraient-ils ? qu’allaient-ils devenir ?

Lanzi les rassura.

Il leur rapporta ce qui était arrivé. Alors chacun s’empressa autour du jeune homme et de l’Américain dont la position était beaucoup plus grave puisqu’il avait reçu une blessure sérieuse.

Ainsi que nous l’avons dit, la fatigue seule et la surexcitation morale avaient causé la syncope du Jaguar. Grâce aux soins empressés et intelligents de ses compagnons, il ne tarda pas à reprendre ses sens et à rentrer dans la plénitude de ses facultés.

Le temps pressait, il fallait agir sans retard si on ne voulait être surpris par le retour de la mer.

Dès que le Jaguar fut revenu à lui, son premier soin fut de compter ses compagnons.

Neuf manquaient.

Ces neuf hommes étaient morts sans pousser un cri, sans articuler une plainte : lorsque la fatigue les avait accablés, ils avaient mieux aimé se laisser couler et mourir que de réclamer un secours qui aurait occasionné probablement la perte de leurs