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Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/408

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LES FRANCS TIREURS

cesse le bouleversent, n’a à sa disposition ni assez d’hommes ni assez d’argent pour prendre une vigoureuse offensive ; le nom mexicain même est odieux aux Texiens. De tous côtés le peuple se soulève contre vous, c’est une marée qui monte toujours et qui brise toutes les digues. Vous êtes débordés de toutes parts ; avant un mois votre armée sera honteusement chassée de notre territoire. Réfléchissez, mon ami, il en est temps encore ; remettez votre épée au fourreau et laissez à la fatalité le soin d’accomplir son œuvre.

— Écoutez-moi à votre tour, ami, répondit le colonel d’une voix triste. Ce que vous venez de me dire, je le sais comme vous ; je sens depuis longtemps déjà que la terre tremble sous nos pas, et que dans un jour prochain, nous serons engloutis par la révolution. Je ne me fais donc aucune illusion sur le sort qui nous attend. Mais je suis soldat, mon ami, j’ai prêté serment : ce serment je dois, coûte que coûte, le tenir. De plus, je suis Mexicain, ne l’oubliez pas : je dois donc envisager cette question sous un point de vue complètement différent du vôtre. D’ailleurs ajouta-t-il avec une feinte gaieté, nous n’en sommes pas encore où vous croyez : vous nous avez pris quelques pueblos, il est vrai, mais nous avons les villes encore et nous sommes maîtres de la mer. Vous chantez trop tôt victoire, la révolution texienne n’est encore qu’à l’état d’insurrection. Plus tard, lorsqu’elle possédera une ville forte, que son gouvernement sera constitué, nous verrons ce qu’il nous restera à faire. Mais quant à présent, rien n’est désespéré, mon ami, vous n’en êtes pas où vous pensez.