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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/133

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dont les sifflements dans les longs corridors de la maison formaient une symphonie triste et mystérieuse, qui n’était pas sans un certain charme ; la nuit était sans lune, il faisait noir.

Les nuages, très bas et chargés d’électricité, couraient dans l’espace, avec une rapidité vertigineuse, en rasant le sommet échevelé des arbres le froid était vif, la pluie glaciale.

C’était une de ces soirées d’hiver remplies d’inexplicables délices pour les sybarites, assis dans de moëlleux fauteuils, les pieds sur les chenets, enveloppés d’une chaude robe de chambre, et qui, d’un œil rêveur, regardent les fantastiques paraboles de la flamme du foyer et les mystérieuses étincelles qui, par myriades, s’échappent du brasier, tout en fumant nonchalamment une cigarette, et écoutent d’une oreille distraite les lugubres mélopées formées par les bruits confondus de la tempête qui fait rage au dehors ; mais nuit sinistre et remplie de terreurs pour les voyageurs égarés sur les routes défoncées par l’ouragan, et marchant à l’aventure, à travers les sombres solitudes, sans espoir de secours, ou pour les mendiants accablés de fatigue, transis de froid et à demi-morts de faim, qui tombent défaillants sur le revers d’un fossé ou au pied d’un arbre, frémissant d’épouvante à la pensée de la mort, qui déjà étend vers eux sa main décharnée de squelette.

Julian d’Hérigoyen était à demi-étendu sur un divan à la turque, dans son cabinet de travail ; le coude sur le divan, et la tête dans la main, il relisait, car il l’avait lu cent fois, le magnifique drame de Victor Hugo, cette œuvre étrange et grandiose de ce puissant génie intitulée : Marion Delorme.

Nous avons dit que Julian lisait ; nous nous sommes trompés, il rêvait, le volume ouvert dans la main gauche, mais dont il n’avait pas depuis un quart d’heure tourné un feuillet.

Il en était a la scène cinquième du troisième acte, où Marion et Didier, cachée au milieu d’une troupe de comé-