Aller au contenu

Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était bien sombre ; il se rembrunissait chaque jour davantage ; il était fortement question d’un coup d’État probable ; on accusait hautement le Président de la République de préparer l’Empire.

— Oh ! oh ! tête folle, tu vas trop loin ; le Président a prêté librement et loyalement serment à la République ; pourquoi la trahirait-il et commettrait-il une félonie qui le mettrait au ban de tous les honnêtes gens ? Lui qui, sans la Révolution de 1848, serait encore exilé ! Non, ce n’est pas possible ; tu dois te tromper ; l’honneur n’est pas un vain mot, et quand on l’a perdu, on ne le recouvre jamais, quels que soient les titres dont on s’affuble pour se déguiser à ses propres yeux. Et cependant l’ambition fait commettre bien des fautes et bien des crimes ! Son oncle aussi avait prêté serment à la République, à laquelle il devait tout, et dont il avait été un des plus fervents adeptes, et cependant ?… Il faut être prudent ; heureusement, quoi qu’il arrive, nous n’avons rien à redouter dans ce pays perdu ; les coups d’État se font à Paris, la province reste neutre et accepte, quels qu’ils soient, les faits accomplis.

— Pas toujours, père. Vous n’ignorez pas que la famille de Oyandi a des attaches très fortes avec le parti qui, dit-on, trame en ce moment un coup d’État. Plusieurs des membres de cette famille ont été exilés par la Restauration ; d’autres ont pris part à toutes les conspirations sous le règne de Louis-Philippe. Que peut être allé faire si subitement à Paris ce jeune homme à peine guéri de ses blessures, et bien faible encore pour supporter les fatigues d’un aussi long voyage ?

— Nous ne pouvons que nous tenir sur nos gardes, user de la plus grande prudence et attendre : l’avenir éclairera ce mystère.

— Oui, père, et Dieu veuille que ce ne soit pas contre nous !

— Bah ! à quoi bon s’enrayer ainsi, nous ne sommes plus aux temps funestes des lettres de cachet ; aujourd’hui, on ne supprime pas ainsi un homme placé à un certain