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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/146

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— Soyez calme, major, c’est réglé comme l’appel du soir.

— Ah ! à propos, je serai probablement à déjeuner quand tu arriveras ; tu me remettras la lettre tout de suite.

— Suffit, major ; ce sera fait.

Le docteur lui fit un signe de la main et rentra dans la maison tout en grommelant entre ses dents, d’un air pensif :

— Maintenant, c’est fini ; il n’y a plus à y revenir ; j’ai brûlé mes vaisseaux.

À neuf heures et demie, le père et le fils entrèrent, par deux portes différentes, dans la salle à manger.

Julian salua son père, lui souhaita le bonjour, lui demanda de ses nouvelles, et s’assit nonchalamment à table ; il était pâle, triste, et semblait fatigué.

Le docteur feignit de ne rien voir.

Il se mit en face de son fils, le servit, et commença à manger de bon appétit, tout en jetant à la dérobée, sur le jeune homme, des regards d’une expression singulière, accompagnés d’un sourire légèrement railleur.

Le déjeuner se continua ainsi sans autre conversation que quelques mots tels que ceux-ci :

— Sers-toi de ce poulet ; encore un morceau de cette truite ; tends ton verre.

Et autres semblables, auxquels le jeune homme répondait invariablement :

— Merci, mon père, je ne mangerai pas davantage ; mon verre est encore plein, etc., etc.

Conversation peu variée, et qui n’avait rien d’imprévu ni de fort intéressant.

Cependant, le déjeuner touchait à sa fin, de temps en temps le docteur levait la tête et regardait, avec une impatience mal déguisée, l’œil de bœuf accroché à la muraille en face de lui.

Au moment où la grande aiguille se posait sur midi, tandis que la petite atteignait dix heures, le trot allongé d’un cheval se fit entendre au dehors.