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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/15

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quant l’effort continu de la pensée ; ses cheveux, d’un noir mat, commençaient à blanchir aux tempes ; il était correctement vêtu de noir et portait à une boutonnière de sa redingote la rosette de la Légion d’honneur.

Son fils, bien qu’il eût à peine vingt ans, en paraissait au moins vingt-cinq ; il avait près de six pieds, sa taille, élégante et admirablement prise avait cette souplesse gracieuse que donne la force, toute sa personne avait un indicible cachet de distinction, malgré cette apparence athlétique ; ses traits fiers, énergiques, éclairés par de grands yeux noirs pleins de feu, respiraient à la fois l’intelligence, la loyauté et une volonté indomptable ; son nez était droit, un peu fort, aux narines transparentes et mobiles ; sa bouche un peu grande, admirablement meublée, bordée de lèvres rouges à demi cachées sous une longue moustache soyeuse et brune, avait un sourire d’une douceur infinie ; son menton carré et un peu avancé dénonçait son origine basque ; bref, sa physionomie, essentiellement caractérisée, attirait le regard et éveillait la sympathie.

Ce jeune homme portait dans toute sa pureté pittoresque l’élégant costume basque, c’est-à-dire qu’il était vêtu de velours bleu ; un foulard, noué à la Colin et passé dans un anneau d’or orné d’un magnifique diamant, laissait voir son cou nerveux comme celui de l’Antinoüs, en laissant retomber le col de sa chemise de batiste, d’une blancheur immaculée ; son gilet rouge était serré aux hanches par une ceinture de soie de même couleur, dans laquelle était passé un couteau catalan pliant ; il avait les pieds chaussés de sandales en cordes, nommées dans le pays spartianac, qui ne sont autres que les alpargattas espagnoles ; son béret bleu garni d’un long gland de soie floche, coquettement posé sur l’oreille, laissait échapper en foule les boucles brunes, molles et soyeuses de son opulente chevelure, qui tombaient jusque sur ses épaules ; il tenait de la main droite l’inévitable bâton à crosse, en bois de néflier, dont les Basques ne se séparent jamais.

Le père et le fils causaient sans remarquer que le so-