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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/157

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coup d’embarras dans le pays, et avant peu seront mis à la raison ; il a même à plusieurs reprises prononcé ton nom, mon Julian, sur un ton qui indique clairement qu’il médite quelque guet-apens contre toi.

— Bah ! fit en riant le jeune homme, que peut-il contre moi ? Je ne le crains pas ; il fera bien de se tenir tranquille.

— La méfiance est mère de la sûreté ; moi, à ta place, je me tiendrais sur mes gardes ; on n’est jamais sûr de rien au temps où nous vivons.

— Allons donc ! C’est un criard, un hâbleur et voilà tout ! Il n’osera pas s’attaquer à moi.

— En face peut-être, mon Julian, tu l’as trop bien secoué pour qu’il s’y hasarde ; mais nul n’est à l’abri d’une trahison.

— C’est juste ; je veillerai, sois tranquille.

— À la bonne heure ; il paraît que, hier au soir, il est allé à Louberria.

— Felitz Oyandi ?

— Oui, vers huit heures du soir ; mais je n’ai pu découvrir ce qu’il y avait fait.

— C’est étrange !… murmura le jeune homme.

Tout à coup, la porte de la chambre s’ouvrit, et le docteur entra pâle, défait, et froissant plusieurs papiers dans ses mains crispées.

— Oh ! mon dieu ! qu’avez-vous donc, mon père ? s’écria Julian, et s’élançant vers lui, effrayé de le voir en cet état.

— Julian, mon fils ! dit le docteur en se laissant tomber dans un des fauteuils, tu ne t’étais pas trompé, Felitz Oyandi est ton ennemi mortel ! Prends garde à lui, prends garde !

Sa tête tomba sur sa poitrine, ses yeux se fermèrent, il avait perdu connaissance.

Le danger terrible, suspendu sur la tête bien-aimée de son fils, avait d’un seul coup brisé les ressorts de cette âme si tendre et cependant si énergique.