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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/183

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dis : c’est fini de rire, la nation va faire ses affaires, et nous débarrasser des rois et des nobles pour toujours, sans parler des calotins, qui, depuis 1814, nous ont fait tant de mal. Les commencements étaient beaux ; chacun se pressait autour de la République nouvelle, mais c’était pour mieux l’étouffer. Je le compris bientôt. Dès que je vis un Bonaparte appelé à la Présidence de la Nation, je me souvins du 18 Brumaire. Qu’importent les serments aux Bonaparte, ils ne les font que pour les trahir ! C’est une race perfide, ambitieuse, sans cœur et sans entrailles. Je voulus voir celui-ci. Je me rendis à Paris. Son œil glauque, son front étroit, son sourire perfide ne me laissèrent aucun doute. Je revins au pays, et je répondis à ceux qui se félicitaient de le voir à la présidence : « Prenez garde, cet homme n’a jamais été républicain ; ce qu’il veut, ce qu’il rêve, c’est l’Empire. Il marchera dans le sang jusqu’aux genoux pour y arriver. Nous reculerons d’un demi-siècle avant deux ans, il refera ce que son oncle a fait. Prenez garde, nous reverrons les grandes hécatombes humaines et l’invasion. » Je me suis trompé d’un an, voilà tout ; ce que j’avais prévu est arrivé, le coup d’État est fait, l’invasion viendra plus tard !

— Comment, que voulez-vous dire ? s’écrièrent les deux jeunes gens avec anxiété.

— Je veux dire que Bonaparte a trahi ses serments, qu’il s’est mis hors la loi, en faisant arrêter à domicile, pendant la nuit, les représentants du peuple ; que depuis deux jours Paris est à feu et à sang, que le coup d’État est fait et que la République est perdue.

— Eh quoi, il serait possible ! s’écria Julian avec douleur.

— Si vous ne me croyez pas, lisez ce journal qui traîne là-bas, sur cette table, vous saurez tout.

— Mon Dieu ! Ainsi, ces hommes armés…

— Sont des citoyens qui se sont levés, pour soutenir leurs droits indignement violés.

— Oh ! c’est affreux, la guerre civile !

— Oui, la guerre civile et la terreur proclamées par le