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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/201

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si aimée, où ils étaient nés et que la plupart d’entre eux, hélas ! ne devaient plus jamais revoir.

Tous ces malheureux proscrits et condamnés, endurcis cependant par de longues souffrances, pleuraient et sanglotaient comme des enfants, en voyant s’enfoncer dans la brume ce pays où ils laissaient tout : parents, enfants, femmes et fortune, sans espoir de retour.

C’était un spectacle attendrissant que celui de ces misérables victimes d’une fatalité horrible, se débattant avec un désespoir morne, sous le poids écrasant de cette dernière épreuve, la plus atroce de toutes celles qu’ils avaient subies jusques alors.

Leur situation à bord, toutes proportions gardées, n’était pas mauvaise.

Les marins, malgré les règles inflexibles de leur rigoureuse discipline, sont essentiellement humains ; ils ne consentent jamais à se transformer en bourreaux.

Ils accomplissent strictement leurs devoirs, mais jamais ils ne les dépassent sous aucun prétexte.

Ils ne comprennent rien à ces vexations misérables, à ces taquineries mesquinement odieuses, si généralement employées dans les prisons.

Tout en se conformant à la discipline du bord, les transportés politiques jouissaient d’une liberté relative ; ils n’étaient plus, comme ils l’avaient été jusque-là, confondus avec des malfaiteurs et des forçats.

Leur situation, ils en étaient certains en se conduisant bien, serait tolérable, et ils n’auraient aucunes persécutions à subir de la part des officiers ou de l’équipage : ce qui, pour les infortunés si dignes de pitié sous tous les rapports, était une grande consolation, après tout ce qu’ils avaient eu à souffrir depuis leur arrestation.

Tout marchait donc à souhait à bord de la Bellone, depuis son départ de D…, et rien ne laissait supposer qu’il en dût être autrement plus tard.

L’entrepont avait été aménagé de façon à loger les transportés.