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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/203

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Bernardo, à qui la même proposition fut faite, accepta, lui aussi, sur un signe de son ami, sans même essayer de comprendre, selon sa coutume, quel avantage il retirerait de cette faveur.

Ces brigadiers étaient au nombre de dix. Chacun d’eux avait sous ses ordres trente-cinq transportés dont ils avaient les noms inscrits sur des listes dressées par le commissaire du bord.

Les condamnés répondaient à trois appels : chaque jour le matin au lever, à midi et le soir au coucher.

Deux fois pendant la nuit, à des heures différentes et sur l’ordre de l’officier de quart, les brigadiers, accompagnés d’un matelot, tenant un fanal allumé, passaient une visite exacte de tous les hamacs, afin de s’assurer qu’aucun des transportés ne manquait et que tous dormaient.

La frégate était depuis deux jours en haute mer, filant huit nœuds à l’heure, le cap en route, avec belle brise d’ouest-nord-ouest.

Les transportés étaient redescendus dans l’entrepont, après l’appel du soir. Il était huit heures et demie.

Ce soir-là, ils avaient chanté des chœurs sur l’avant.

Le commandant avait permis qu’ils restassent un peu plus longtemps sur le pont, car le brave marin plaignait sincèrement ces pauvres gens dont il avait grandement pitié.

Julian, appuyé nonchalamment sur une pièce de canon, à tribord d’avant, réfléchissait, les yeux perdus dans l’espace, lorsqu’il sentit qu’on lui touchait légèrement le bras.

Il se retourna ; un matelot était arrêté près de lui.

— Que désirez-vous, mon ami ? demanda le jeune homme.

— Êtes-vous le docteur Julian d’Hérigoyen ? répondit le matelot.

— Oui, mon ami pourquoi cette question ? fit-il avec surprise et le cœur serré sans savoir pourquoi.

— Condamné à M… ? continua imperturbablement le marin.