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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/22

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lement d’une table en bois blanc, d’un banc et de trois chaises paillées ; sur la table était posée la lanterne, dont la lumière assez faible n’éclairait qu’à demi cette pièce et lui donnait un aspect véritablement fantastique avec les grandes ombres qui se jouaient et s’allongeaient sur les murailles ; près de la lanterne, il y avait une bouteille cachetée de cire rouge et un verre de cabaret, un encrier de plomb, des plumes et quelques papiers, dont l’un portait un timbre et était écrit jusqu’aux deux tiers de la page.

Trois hommes étaient assis autour de la table ; une femme, vêtue d’un élégant costume de chambre, était étendue sur un banc, garrottée et bâillonnée.

Deux des trois hommes semblaient être des matelots, du moins ils en portaient le costume. Ils avaient les traits durs et hâlés. Le troisième, vêtu très élégamment, la rosette de la Légion d’honneur à la boutonnière, et enveloppé à demi dans les plis d’un manteau militaire, avait le visage caché sous un masque noir.

— Enlève les cordes et le bâillon, Sébastian, dit l’homme masqué qui semblait être le maître des deux autres.

Un des matelots se leva et exécuta cet ordre.

— Au secours, à l’assassin ! s’écria, d’une voix déchirante, la femme dès qu’elle se sentit libre.

Elle voulut s’élancer au dehors ; mais le matelot la saisit brutalement et la conduisit à une chaise sur laquelle il la contraignit de s’asseoir.

Cette femme, âgée de vingt-deux ans à peine, était grande, svelte, blonde et admirablement belle, malgré la pâleur cadavéreuse de son visage.

— Ne prenez pas la peine de crier, madame, dit froidement l’homme masqué, nul ne viendra à votre aide ; nous sommes ici dans un désert.

— Oh ! cette voix ! murmura-t-elle en fixant un regard épouvanté sur l’homme qui avait parlé.

Puis elle ajouta avec un accent prophétique :

— Il n’est pas de désert si profond où ne pénètre l’œil