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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/240

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Depuis deux jours, je ne te reconnais plus, tu es sombre comme la nuit, serais-tu malade ?

— D’esprit et de cœur, oui, je ne sais quel sombre pressentiment m’agite, je ne me reconnais plus moi-même, si j’étais superstitieux, je croirais, le diable m’emporte, qu’un malheur est suspendu sur ma tête ! répondit-il dans la même langue.

— Allons donc ! Felitz, mon ami, est-ce que des gens comme nous doivent avoir de ces craintes puériles, bonnes pour les enfants et les vieilles femmes ? Nous ne reconnaissons qu’un Dieu, nous autres, le plus puissant de tous : l’or ! Secoue-toi et redeviens homme, nous tenons notre fortune entre nos mains, et quelle fortune ! je ne sais combien de millions, la laisserons-nous échapper par notre faute, ami Felitz, réponds-moi ?

— Mayor, voici trois fois que vous me donnez un nom que je ne porte plus quant à présent ; appelez-moi Calaveras, je vous prie, mon autre nom dans votre bouche me fait mal.

— Décidément tu deviens une petite maîtresse ! il est temps que nous nous retirions des affaires, toi tout au moins, ami Calaveras ; qui diable veux-tu qui nous comprenne ici, quel que soit le nom que je te donne !

— Qui sait ? la prudence est mère de la sûreté ; d’ailleurs je ne me suis associé avec vous que pour cette affaire seulement ; je ne fais qu’accidentellement partie de votre troupe.

— Comptes-tu donc me quitter ?

— Aussitôt l’affaire faite, de graves intérêts exigent mon retour en France.

— À ton aise, compagnon ; tu es libre comme l’air. En attendant, fais conduire ici nos quatre prisonniers.

Calaveras, puisque tel est son nom, se leva et sortit sans répondre.

— Ce gaillard-là me fait l’effet de saigner du nez, murmura le Mayor en le suivant du regard ; mais que m’importe ! il n’en est pas où il croit. Dès que tout sera fini, je réglerai son compte.