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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/364

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— Hélas non, senor, répondit la comtesse avec une nuance de tristesse, c’est une orpheline que j’ai adoptée ; je n’ai pas le bonheur d’être sa mère.

— Mais je t’aime comme si j’étais ta fille, madame maman, s’écria l’enfant en lui jetant les bras au cou et l’embrassant.

— Vous songez toujours aux autres, et jamais à vous, madame, reprit l’haciendero avec émotion ; il y a longtemps que je sais combien vous êtes bonne et sainte.

— Chut ! dit la comtesse en souriant, et le menaçant du doigt, pas un mot de plus sur ce sujet !

— Soit ! je me tais, madame ; vous plaît-il de venir à l’hacienda, dont nous sommes encore éloignés d’un quart de lieue.

— Un instant, je vous prie ; je désire congédier mon escorte, dont je n’ai plus besoin, puisque je suis maintenant sous votre sauvegarde.

L’haciendero s’inclina respectueusement.

La comtesse appela Jérôme Desrieux, celui-ci se hâta d’accourir.

— Veuillez, lui dit-elle, remercier ces braves gens qui m’ont rendu un si grand service, et les congédier. Ce serait abuser de leur complaisance, que de les retenir plus longtemps près de moi. Vous remettrez deux onces d’or à chacun d’eux, non pas comme payement, mais comme un faible témoignage de ma reconnaissance.

— Je ferai respectueusement observer à madame la comtesse, répondit l’intendant, que les civicos et les chasseurs qui m’ont accompagné cette nuit sont au nombre de soixante-dix.

— Quand même ils seraient cent, qu’importe ? Songez-vous qu’ils nous ont empêchés d’être égorgés et peut-être torturés ? Croyez-vous que deux onces sont un trop haut prix pour un tel service ?

— Je ne suis qu’un sot, répondit l’ex-zouave ; madame la comtesse a raison, comme toujours.

Et il se retira.