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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/39

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serait laissé conduire par lui, puisqu’à son retour de Paris, où il venait de passer cinq ans consécutifs sans retourner dans les Pyrénées, il revenait joyeux, sans soucis d’aucune sorte et le cœur complètement libre, du moins il le croyait.

Laissé systématiquement seul par son père, qui, sous prétexte de courses nombreuses et éloignées, partait, dès le matin, soit à cheval, soit en voiture, pour ne rentrer qu’à la nuit tombante, le jeune homme, complètement inoccupé, ne tarda pas à trouver les journées d’une interminable longueur. Le temps lui pesait ; il avait besoin d’air, d’exercice surtout. À vingt ans, on s’accommode difficilement de la vie sédentaire.

Un matin, le jeune homme, penché à une fenêtre, suivait du regard son père, qui s’éloignait, à cheval, pour une course dans la montagne, lorsqu’en ramenant son regard dans un rayon plus rapproché, il aperçut un jeune montagnard qu’il crut reconnaître, bien que celui-ci fût assez éloigné. Julian par désœuvrement, par ennui ou par toute autre cause que nous ignorons, lança à pleine voix l’irrencina, ce cri d’appel particulier que les Basques seuls savent moduler et qui s’entend à travers l’espace à des distances considérables.

Le montagnard s’arrêta, regarda un instant, et voyant les gestes du jeune homme, il modula à son tour l’irrencina, et, se détournant de son chemin, il se dirigea vers la maison.

Au fur et à mesure qu’il approchait, Julian le reconnaissait mieux. Il ne s’était pas trompé, ce jeune homme était, en effet, un de ses anciens amis d’enfance, plus âgé que lui de deux ou trois ans au plus, mais avec lequel il avait joué maintes fois, et dont il avait fait son camarade de prédilection.

— Ohé Bernardo ! cria-t-il, est-ce que tu ne me reconnais pas ?

— Oh ! Cerua ! cer Boza ! — Oh ciel ! quelle joie ! — s’écria le montagnard, en joignant les mains, c’est toi, mon Julian ! te voilà donc de retour ?