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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris.djvu/442

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— En aimant bien Denizà, mon frère Julian, répondit-elle en souriant à travers ses larmes, et en me conservant un petit coin de votre cœur.

— Oh ! s’écria Denizà, nous vous aimerons tant tous les deux, que vous ne serez pas jalouse de notre amour. N’êtes-vous pas notre sœur chérie ?

— Oui ! votre sœur, répondit la comtesse, votre sœur qui ne vous aimera jamais assez pour le bien que votre père et votre fiancé lui ont fait !

— Vous vous êtes noblement et grandement acquittée, madame, dit le docteur.

— Les dettes du cœur ne s’acquittent jamais, répondit la comtesse en embrassant Denizà ; n’est-il pas vrai, mignonne ?

— C’est pour cela que nous vous aimerons toujours, Léona, répondit la jeune femme avec un radieux sourire.

— À la bonne heure s’écria Bernardo, qui s’essuyait les yeux dans le coin où il s’était blotti ; nous allons donc, nous aussi avoir nos jours de soleil ! Caraï ! ils se sont fait attendre ; mais du moins ils seront beaux !

Julian lui serra chaleureusement la main.

Puis chacun à l’envi félicita le jeune homme de son amitié dévouée à son ami, et le remercia d’avoir été si fidèle à l’infortune de Julian.

Le docteur surtout ne tarissait pas.

Il déclara qu’il aimait Bernardo comme un second fils, et qu’il le verrait avec joie rester près de lui.

— Eh ! fit le jeune homme, avec sa franchise habituelle, ne craignez pas que je m’en aille, docteur : caraï ! où irais-je seul ? Julian et moi nous sommes inséparables…

Cette boutade excita un rire général, et, la première émotion passée, la joie devint plus calme.

L’haciendero et sa femme voulaient se retirer.

Mais on insista avec tant de grâce qu’ils demeurèrent.

Julian et Denizà causaient à voix basse, les mains dans les mains ; ils avaient tout oublié, avec cet égoïsme de l’amour, pour ne songer qu’à eux seuls et savourer leur bonheur.