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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/12

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Florida, explication qui, probablement, serait admise par le gouvernement américain…

— Ah ! ah ! c’est très juste, ce que tu dis là ! interrompit vivement le docteur en se frottant les mains ; le gouvernement américain se trouvant, par le fait, dans l’impossibilité de protéger nos compatriotes, nous sommes contraints d’intervenir en leur faveur ; et, par suite, nous rendons un grand service aux États-Unis en les débarrassant d’une troupe redoutable de bandits ne vivant que de meurtres et de pillages. Continue.

— J’admets donc, pour un instant, l’intervention des renforts. Mais ces troupes, partant d’Urès ou de Paso del Norte, ont un long trajet à faire, trajet qu’elles ne peuvent accomplir sans être aperçues ; et, sachez-le, mon père, dans la savane, chaque feuille d’arbre, chaque brin d’herbe, chaque motte de terre cache un espion.

— Bon, j’admets cela, moi aussi ; qu’en résultera-t-il ?

— Tout simplement ceci, mon père, que, à peine le détachement français aura-t-il franchi la frontière et se sera-t-il engagé dans la savane, que le Mayor sera averti. Si bandit qu’il soit, le Mayor n’est pas un homme ordinaire ; il est fin comme un Opossum et rusé comme un jaguar. Il comprendra tout de suite que les soldats français ne violent pas la frontière américaine pour l’innocent plaisir de faire une promenade militaire ; il saura bientôt qu’ils se rendent à la Florida ; il comprendra alors que son complot est éventé, d’autant plus que la mort de son messager l’aura mis en défiance ; il fera faire demi-tour à sa troupe, se tiendra coi, et attendra tranquillement le départ des Français pour tenter son coup de main ; et ceux-ci partis, par une nuit sombre et sans lune, il nous attaquera à l’improviste.

— Tu as raison, fils, je suis contraint de l’avouer.

— Oui, oui, vous avez parfaitement posé la question, señor, dit l’haciendero ; nous ne devons, sous aucun prétexte, mêler les Français à notre querelle.

Quant au mayordomo, toujours impassible et froid, il approuvait par des hochements de tête, mais sans pro-