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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/256

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Pendant l’abordage, Julian, Bernardo et Tahera demeurèrent près d’elle, pour conjurer les craintes que, sans cette précaution, elle aurait pu avoir.

Le lendemain, Julian remit au capitaine cent onces, qu’il pria de partager en son nom aux matelots.

Le reste de la traversée se passa sans incidents dignes d’être rapportés.

Enfin, un mois plus tard, après la succession ordinaire de calmes et de vents debout, les côtes de France commencèrent à s’estomper en bleu à l’horizon ; elles grandirent rapidement, et la Belle-Adèle entra dans le port du Havre, et vint s’amarrer bord à quai devant la douane.

On était en France !

Julian revoyait son pays après quatorze ans d’absence.

Que d’événements s’étaient passés pendant ces quatorze ans !

Que de douleurs ! de dangers, de péripéties émouvantes, gaies ou sinistres !

Enlevé brutalement et odieusement de son pays, jeune homme et le cœur plein encore d’illusions, il revenait homme fait, ayant vu s’effeuiller les uns après les autres ses rêves de jeunesse, sous les froids coups d’ailes de l’implacable expérience.

Pendant près d’une heure, Julian resta enfermé dans sa cabine, se laissant aller à ces souvenirs remplis d’amertume.

Quand il reparut, ses traits étaient empreints d’une douloureuse mélancolie.

Mais cette tristesse ne tarda pas à disparaître sous les baisers et les charmantes caresses de Denizà qui, avec cette prescience que possèdent les femmes aimantes, avait deviné au premier regard ce qui se passait dans le cœur de son mari.

Quant à Bernardo, il jouissait du présent sans songer au passé.

Quant à l’avenir pour lui, il se résumait dans son