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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/269

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d’affreux ragoûts sans noms dans la Cuisinière bourgeoise, et qu’ils humectaient de vin bleu.

Ces consommateurs, au nombre de cinq, occupaient chacun le bout d’une table.

Un sixième, à demi étendu sur un banc, fumait une pipe, de celle nommées brûle-gueule, la tête penchée sur la poitrine et le dos appuyé à la muraille, recouverte d’un affreux papier vert à fleurs rouges ; une mesure d’eau-de-vie placée sur la table, à portée de sa main, et qu’il portait souvent à sa bouche, était à demi vide.

Derrière un massif comptoir, chargé de mesures d’étain de toutes capacités et d’un grand nombre de bouteilles de différentes grandeurs, trônait une femme déjà âgée, au visage de chouette et aux yeux clignotants, très longue de taille et d’une maigreur excessive, mais aux allures hommasses, et paraissant douée d’une grande vigueur.

Derrière elle, sur des planches, étaient rangées une infinité de ces fioles de toutes formes, remplies de ces liqueurs suspectes, affublées de ces noms baroques que l’on ne rencontre plus que dans les établissements de ce genre.

Au-dessus de sa tête, attachée à la muraille, se trouvait une de ces horloges nommées œils-de-bœuf, mais qui se gardait bien de marquer l’heure exacte.

La boutique était éclairée, tant bien que mal, par une lampe garnie d’un abat-jour réflecteur, suspendu au plafond par une chaîne de laiton.

— Bon ! murmura le buveur d’eau-de-vie, en jetant un regard de côté sur le nouvel arrivant, en voilà un qui a une rude venette de la rousse.

Celui à qui s’adressait cet aparté ne sembla pas l’entendre.

Il alla s’asseoir tranquillement à la table voisine de celle du buveur d’eau-de-vie ; et, sortant une pièce de cinq francs de sa poche, il frappa trois coups sur la table et laissa tomber la pièce à plat devant lui, après l’avoir fait tourner entre ses doigts sur le cordon.

La longue femme tressaillit.