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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/298

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haine se disputent votre cœur ; mais il paraît que la haine est la plus forte, ajouta-t-il, en serrant précieusement les billets dont il avait fait cinq liasses. Pour ce qui est des quatre cent mille francs que vous restez me devoir quant à présent, vous me les remettrez demain, à neuf heures du matin, aux Champs-Élysées, au rond-point, au coin de l’avenue Montaigne, en face de l’ambassade d’Italie ; je serai à cheval, en uniforme de capitaine de chasseurs : soyez exact, à neuf heures cinq minutes je partirai, et les cent mille francs seraient perdus.

— Je serai exact ; nous prendrons rendez-vous pour nous entendre sur le plan à adopter pour notre affaire.

— C’est convenu ; comment sort-on d’ici ?

— Je vais avoir l’honneur de vous conduire moi-même.

— Mille grâces, cher monsieur Romieux.

Les deux hommes quittèrent alors le cabinet.

Ils traverseront un corridor assez long et très étroit, sur lequel ouvraient plusieurs portes.

Après maints détours, ils arrivèrent enfin à la porte de la rue, que M. Romieux fut assez longtemps à ouvrir, à cause du luxe de serrures et de barres de fer dont elle était littéralement bardée de haut en bas.

— Diable ! dit le Loupeur, en riant avec ironie, il ne doit pas être facile de pénétrer chez vous ? C’est une véri table forteresse.

— Que voulez-vous ? monsieur, répondit le manchot avec une feinte bonhomie, dont Tartufe aurait été jaloux ; il y a tant de coquins à Paris qu’on ne saurait prendre trop de précautions pour ne pas s’exposer à être dévalisé une belle nuit, quand on y pense le moins.

— Parfaitement raisonné, cher monsieur Romieux ; mais un mot encore, je vous prie ? reprit-il en riant de plus belle.

— À vos ordres, monsieur.

— Je ne sais où je suis ; j’ai voyagé pendant toute la soirée d’une si étrange façon, grâce à vous, que je suis complètement désorienté.