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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/380

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d’une exactitude incontestable, qu’un tiers au moins des malfaiteurs poursuivis passent, comme en se jouant, à travers les mailles de ce filet, en apparence si étroites. On fait grand bruit de ceux dont on réussit à s’emparer ; mais ceux qui s’échappent, on n’en parle jamais. Quand je ne citerais à l’appui de mon dire, que vous et moi, ce serait déjà une preuve, il me semble. Souvenez-vous de nos compagnons des savanes : combien comptions-nous de ces contumaces dans nos rangs ? Navaja, Masamora, Sebastian et tant d’autres encore que nous ne connaissions pas, — tous ceux-là, et bien d’autres encore, avaient, comme nous, passé à travers les mailles du filet.

— D’accord ; mais combien y sont restés engagés ?

— Par leur faute, cher ami ; ceux-là sont des niais qui n’ont pas su se tirer d’affaire, voilà tout. Mais venons à ce qui nous regarde personnellement, et, comme je vous le disais tout à l’heure, raisonnons froidement.

— Allez, je suis curieux de savoir comment vous me prouverez que nous n’avons rien à craindre ?

— Facilement, je l’espère, et il ne me faudra pas de grands efforts d’imagination pour y réussir. Vous et moi, nous avons été reconnus par deux hommes, ou peut-être même par un seul : voilà la question, n’est-ce pas ?

— Parfaitement.

— Très bien. Ceux qui nous ont reconnus nous connaissent. D’où nous connaissent-ils ? Évidemment d’Amérique, où ils nous ont vus à l’œuvre. Peut-être même ont-ils servi sous nos ordres ; mais j’irai plus loin : j’admets à la rigueur cette hypothèse impossible, qu’ils nous aient connus avant notre départ de France.

— Pourquoi cette hypothèse vous semble-t-elle impossible ?

— Tout simplement parce qu’elle est absurde ; avant que nous quittions la France, nous n’avions rien à redouter, parce que tout le monde ignorait ce que nous avions pu faire. Je ne parle pas de moi ; depuis je ne sais combien d’années on me croit mort. Ceux qui nous ont reconnus sont donc des gens placés dans la même situation que nous, qui,