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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/40

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rier, reprenant aussitôt le langage et les manières d’un homme comme il faut ; j’accepte votre proposition. Quand même vous ne m’auriez rien offert, je n’aurais pas hésité à vous faire cette confidence. Voici pourquoi : le Mayor, je vous l’ai dit, se méfie de moi ; il me hait en secret, parce que je connais une partie de sa vie passée, et que peut-être il me suppose beaucoup plus instruit de ses affaires, qu’il tient surtout à laisser dans l’ombre, beaucoup plus que je ne le suis réellement. Depuis deux ou trois mois surtout, sa haine, que jusque-là il avait su assez bien dissimuler, éclate malgré lui dans ses regards à chaque instant, et même dans ses paroles ; il me charge comme à plaisir des missions les plus difficiles, espérant sans doute que je serai tué dans l’une ou dans l’autre. Il est évident pour moi que si je continue à échapper ainsi à la mort, dès qu’il croira pouvoir se passer de moi, il fera naître un motif quelconque de querelle et me poignardera ou me brûlera la cervelle en trahison, comme il a l’habitude de le faire avec les hommes dont il veut se débarrasser. Mais je veille et je suis sur mes gardes ; il n’en est pas encore où il croit avec moi. Je serai donc franc avec vous, et je vous dirai tout ce que je sais. Malheureusement, ce n’est pas grand’chose.

— Dites toujours, peut-être ce peu sera beaucoup pour moi.

— Soit. En sortant de l’école Polytechnique, sur ma demande, je fus incorporé en qualité de sous-lieutenant dans le régiment d’infanterie, alors en garnison à Constantine. Le colonel de ce régiment était, dit-on, un officier remarquable, auquel l’étoile de général était assurée ; ce colonel se nommait Tancrède Illibury, marquis de Garmandia.

— Le marquis de Garmandia ! s’écria Julian en tressaillant et devenant livide. J’avais le pressentiment que vous prononceriez ce nom.

— Vous le connaissez donc ?

— Jamais je ne l’ai vu, répondit évasivement le chasseur. Continuez, je vous prie.