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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/57

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a assassiné sa femme, puis il s’est fait sauter la cervelle : voici le fait brutal, patent, indéniable ; le bandit exécré, la terreur des savanes, n’a rien de commun avec la comtesse de Valenfleurs, qui, de son côté, est et doit être complètement étrangère au proscrit odieux nommé le Mayor. Quel tribunal oserait décider que ces deux êtres, si dissemblables et dont tous les liens ont été rompus par une double mort tragique, doivent être réunis l’un à l’autre : tout les repousse et les sépare. Révéler ce secret horrible à la comtesse, ce serait la tuer ou la rendre folle ; qui de vous, messieurs, oserait prendre la terrible responsabilité de ce crime ? La comtesse a assez souffert, hélas ! pour avoir conquis le droit d’être heureuse : l’honneur et le devoir vous imposent l’obligation d’enfouir ce secret redoutable au plus profond de votre cœur et de jamais ne l’en laisser échapper. Si le malheur voulait qu’un jour ces deux ennemis se trouvassent en présence et se reconnussent, c’est que telle serait la volonté de Dieu, et alors ce serait à lui de décider ! Quant à vous, messieurs, je vous adjure, par tout ce qu’il y a de plus sacré au monde, de garder le silence et de rester neutres !

— Messieurs, dit le docteur avec sentiment, notre chère Denizà, avec cette sagesse et cette délicatesse de sentiments que nous admirons tous en elle, a tranché la question comme elle devait l’être. En effet, à mes yeux et aux vôtres, j’en suis certain, ce serait un crime que de troubler par cette affreuse révélation la quiétude dont jouit enfin une femme que tous nous aimons et nous respectons.

— Tel était mon avis, dit Julian ; mais la question devait être posée.

— D’autant plus que la poser, c’est la résoudre, et la charmante fiancée l’a admirablement compris ; donc, n’en parlons plus, et taisons-nous.

— Encore un mot, messieurs ; nous avons un prisonnier fort gênant, reprit Julian.

— Tu veux parler de Sebastian ? dit Bernardo.

— Oui, qu’en faisons-nous ?