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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/89

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sur son cheval, Julian, connaissant l’énergie de ce misérable, le fit placer entre deux chasseurs bien montés, le revolver à la main, avec la consigne de ne pas le perdre une seconde de vue, et de lui brûler la cervelle si, par un moyen quelconque, le prisonnier réussissait à rompre les lassos ou reatas avec lesquels on l’avait garrotté au lieu de cordes.

La nuit était magnifique, bien que très froide.

On voyait clair presque comme en plein jour.

Mais c’était une lumière blanche avec des reflets bleus qui avait quelque chose de fantastique.

Il n’y avait pas ces dégradations de teintes qu’aux rayons du soleil on admire pendant le jour dans les accidents du paysage.

Les teintes étaient crues, pour ainsi dire brutalement tranchées, ou une clarté éblouissante, ou des masses d’ombres profondes, qui confondaient tous les accidents et empêchaient de les distinguer.

Les arbres échevelés allongeaient démesurément leur ombre sur le sol.

Les cours d’eau que l’on rencontrait reflétaient les étoiles et la lune dans un glacis d’argent.

Si complets que soient le silence et le calme, certaines rumeurs mystérieuses persistent quand même au désert : tels que le frissonnement de la brise à travers les hautes frondaisons des forêts vierges ; les pas furtifs et rapides des fauves courbant les hautes herbes en se rendant à quelque abreuvoir lointain ; les glapissements stridents et railleurs des coyotes et des loups rouges chassant un élan qu’ils ont lancé de son fort, et enfin ce susurrement incessant qui s’élève du sol, et qui n’est autre chose que le travail continu des insectes invisibles qui accomplissent, sans jamais s’arrêter, leur œuvre mystérieuse.

S’il eût été possible qu’une horloge quelconque se trouvât aux environs, cette horloge aurait sonné la demie après dix heures au moment où les chasseurs avaient quitté l’hacienda.