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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/100

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Il en était à peu près de même du côté droit, où se trouvaient une seconde maison, récemment construite, et des terrains vagues clos de murs fort bas et appartenant aux hospices.

Cette rue n’avait encore ni trottoirs ni becs de gaz.

S’il n’eût pas fait un temps magnifique depuis quelques jours, elle aurait été changée en un véritable cloaque, dans lequel il aurait été très imprudent de se risquer.

Bernard, un peu en tâtonnant et se dirigeant tant bien que mal dans l’obscurité d’une soirée encore sans lune, tourna, après une quarantaine de pas, dans la rue de la Sablière, seconde rue en tous points semblable à la première, aussi sombre, aussi fangeuse, aussi dangereuse et aussi inhabitée.

Il franchit la chaussée raboteuse, au risque de se rompre le cou, et il s’arrêta devant une porte peinte en couleur jaune clair, semblant donner sur un enclos, car aucune construction n’apparaissait derrière.

Bernard prêta un instant l’oreille, essaya du regard de sonder les ténèbres, et, rassuré par le silence profond et la solitude complète régnant dans la rue, prit dans la poche de son gilet une clef microscopique et l’introduisit dans le trou d’une serrure presque invisible.

Mais, tout à coup, au lieu d’ouvrir la porte, il fit un saut de côté et s’affaissa brusquement sur les jarrets.

Au même instant, un éclair raya l’obscurité, une détonation retentit, et une balle s’enfonça dans la muraille, à cinquante centimètres au plus au-dessus de sa tête.

Abandonnant aussitôt son manteau, Bernard fit un bond de tigre, et, avant que l’assassin eût le temps de se mettre en défense, il le saisit rudement à la gorge.

Les deux hommes roulèrent sur le sol.

Alors, une lutte acharnée s’engagea entre eux.

Ils se débattaient dans les ténèbres comme deux fauves à la curée.

On entendait le sifflement de leur respiration haletante, à cause des efforts prodigieux qu’ils faisaient pour se réduire l’un l’autre à l’impuissance.