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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/212

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Lucien de Montréal, le seul qu’elle lui eût jamais entendu donner.

Elle n’avait vu qu’une face de cette vie d’aventurier, son côté brillant et menteur.

Cet homme avait été le protecteur de son enfance malheureuse ; il avait rendu de grands services à sa famille ; il s’était toujours montré bon, affectueux et généreux avec elle.

Ces raisons étaient plus que suffisantes pour que la jeune fille lui fût profondément reconnaissante de ce qu’il avait fait pour sa famille et pour elle-même.

La perspective de lui rendre un grand service, de le sauver peut-être de la mort, avait fait vibrer dans son cœur toutes les cordes généreuses du dévouement.

Son plus grand désir était de payer la dette morale qu’elle avait contractée envers lui.

Cette occasion qui lui était offerte la comblait à la fois de joie et de terreur.

Ignorante comme toutes les jeunes filles élevées dans le sanctuaire saint de la famille, elle n’avait pas une seconde douté de la vérité des confidences menteuses qui lui avaient été faites par cet homme, dans la loyauté duquel elle avait une foi entière.

Cependant, dans la pureté de son âme chaste et naïve, elle s’effrayait outre mesure de cette démarche, un peu risquée il est vrai, que son bienfaiteur exigeait d’elle si impérieusement.

Pourtant, elle s’y était résolue, mais avec crainte, afin de ne pas lui paraître lâche et ingrate, bien qu’elle ne se fût pas senti le courage de répondre au billet qu’il lui avait fait parvenir pour lui donner rendez-vous.

Après avoir, dans un moment de fièvre, écrit le brouillon d’une réponse, saisie de honte, elle l’avait déchiré et jeté au feu.

C’était ce brouillon qui, trouvé dans les cendres par l’ancien chef de la brigade de sûreté, avait été cause de tant de commentaires outrageants pour l’honneur de la jeune fille.