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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/218

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En somme cette pièce, meublée avec un luxe suranné, où tout était disparate et rien ne se trouvait à sa place, avait un aspect d’incurie indicible : elle faisait froid au cœur, elle sentait le renfermé, la poussière était partout…

On reconnaissait que ce n’était qu’un pied-à-terre, et que le locataire de ce singulier appartement n’y paraissait que rarement et dans des circonstances exceptionnelles, après l’avoir primitivement longtemps habité.

Le locataire de cet appartement, d’aspect si bizarre, ou tout au moins celui qui l’occupait en ce moment, nous le connaissons.

Certes, à voir cet homme, paraissant a peine quarante ans, aux traits fins, distingués et délicats, dont le costume très soigné était celui d’un homme du meilleur monde, et dont les allures et les manières avaient un rare cachet de haute vie, personne n’aurait reconnu en lui le sale, ignoble et hideux gredin, aux traits hâves, aux cheveux plats et huileux, aux accroche-cœurs collés aux tempes, que deux heures auparavant à peine, nous avons vu, sous les guenilles dépenaillées du Loupeur, assis, le brûle-gueule à la bouche, en face du Manchot, et tenant tête au Mayor dans le cabinet de société du tapis-franc de la Marlouze.

Cependant, c’était le même homme.

Le serpent avait changé de peau, le bandit avait mis des gants gris-perle.

Mais il était moralement resté le même, c’est-à-dire un gredin sans foi ni loi.

En s’apercevant que la jeune fille avait repris connaissance, il s’était relevé en poussant un cri de joie ; étonné un instant du geste d’horreur qu’elle avait fait en l’apercevant, il fut un instant décontenancé, mais se remettant aussitôt.

— Elle ne m’a pas reconnu, pensa-t-il ; pauvre enfant ! Le fait est que le choc qu’elle a reçu a été rude ; mais pourquoi pleure-t-elle ainsi ?

Il s’approcha alors, et, de sa voix la plus douce :