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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/276

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— Elle n’est pas longue, mais elle est émouvante, répondit-il sur le même ton.

— Bon ! est-ce qu’il y a eu du grabuge ?

— Pas trop ; mais assez. Le père la Dèche a dévissé son billard.

— Comment ! il est mort ?

— Oui, nous avons eu la douleur de le perdre ; il gigotte, à c’te heure, dans les filets de Saint-Cloud.

— Bon ! comment cela est-il arrivé ?

— Dame ! comme ça arrive généralement, il a voulu estourbir le bourgeois de la rue Bénard, tu sais ?

— Oui, oui ! va toujours.

— C’est un rude gars tout d’méme ! Il a étranglé net le père la Dèche, voilà ! C’est pas plus malin que ça !

— Tant pis pour lui. Passons à autre chose de plus réjouissant.

— T’as raison, ma vieille, d’autant plus qu’c’est d’sa faute ; j’lui avais cependant bien dit. Pour lors, j’m’avais collé avec mon camaro dans l’renfoncement d’une échoppe de libraire de la cour des Fontaines ; j’avais légèrement déboulonné la devanture, de façon à tout voir sans être aperçu. Vers une heure du matin, arrive le bourgeois de Montrouge avec un autre qui marchait derrière lui ; mais celui-la était un simple passant, il a continué sa route et a pris la rue d’Valois. Le bourgeois, lui, s’était arrêté, après avoir reluqué de tous les côtés. N’voyant personne, — c’était pas l’moment d’crier not’nom sur les toits, — le bourgeois se mit à siffler d’une certaine façon ; une fenêtre s’ouvrit à une maison faisant l’angle à droite de la cour, et un homme cria : « C’est-y vous ? — Oui, a répondu le bourgeois, descendez, j’peux pas monter. — Je viens, a dit l’autre. » Pour lors la f’nétre s’est r’fermée, et au bout de cinq minutes, l’homme de la maison est sorti. « V’nez, a dit l’bourgeois, ne restons pas là. » Ils sont venus alors se planter juste sous l’renfoncement où nous étions cachés. J’aurais pu les toucher en étendant les bras ; c’était d’la chance.