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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/318

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tre à l’abri de tous dangers, et qu’elle doit s’y installer aujourd’hui même. »

— Vous lui avez dit cela, monsieur ? dit Julian en le regardant fixement.

L’Américain supporte la pesanteur de ce regard sans baisser les yeux et sans qu’un seul muscle de son visage tressaillit.

— Ne me soupçonnez pas de trahison, monsieur, dit-il en souriant. Je m’étonne que vous n’ayez pas compris ma pensée, sachant comme vous le savez combien je hais le Mayor ; du reste, ajouta-t-il, dès ce moment je me constitue prisonnier ; gardez-moi comme otage. Vous le pouvez d’ailleurs ; un seul mot de vous suffirait pour me perdre.

— Pardonnez-moi cette mauvaise pensée, monsieur, dit vivement Julian du ton le plus affable ; je n’ai pas bien l’esprit présent depuis cette nuit. Vous êtes un galant homme ; j’ai eu tort de vous faire cette insulte gratuite. Ne m’en veuillez pas, je vous en prie. Vous nous rejoindrez là-bas quand il vous plaira, et vous serez le bienvenu.

Et il lui tendit gracieusement la main, que l’Américain serra avec affection et reconnaissance.

— Avant une heure, ces dames seront installées là-bas, et elles ne manqueront pas d’amis pour les défendre.

— Je me charge avec mon fils et vingt de mes Sonoriens de leur faire bonne garde, dit avec élan don Cristoval.

— Je vous remercie et j’accepte, mon ami, car vous le savez, j’ai fort à faire ici.

— Ne vous inquiétez de rien : je réponds de tout.

— D’ailleurs, avec mes domestiques et ceux de la comtesse, sans parler de nous, il nous est facile, en comptant vos Sonoriens, d’atteindre un effectif d’une cinquantaine d’hommes, ce qui est plus que suffisant.

— Oui : seulement, dissimulez-les ; faites-les entrer isolément, à moins qu’ils ne partent tout de suite, car la maison ne sera pas surveillée avant deux ou trois heures, dit l’Américain.