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Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris III.djvu/401

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Il écoutait avidement ces paroles.

— Ah ! murmura-t-il avec un accent étrange, Dieu n’a pas permis que je tue ma fille, ma pauvre et chère enfant ! Au moins cette malédiction ne pèsera pas sur moi !

Il poussa un profond soupir et il retomba évanoui.

Le comte Armand avait fait transporter sa fiancée, toujours sans connaissance, dans une pièce voisine, pour ne pas blesser son regard, quand elle rouvrirait les yeux, par l’aspect hideux de cette scène de carnage.

Après avoir fait jeter dans le souterrain le cadavre du Loupeur et refermer la porte secrète, Julian d’Hérigoyen, sachant que le marquis vivait encore, ordonna à la Venette et à l’un des Sonoriens d’étendre son corps sur une chaise longue, et il examina ses blessures qu’il sonda et qu’il se hâta de panser.

Sur ces entrefaites, le Mayor ouvrit les yeux.

Il fixa pendant quelques instants avec une expression singulière son regard atone sur l’homme qu’il savait être son implacable ennemi, et qui cependant lui prodiguait les soins les plus attentifs.

Puis, d’une voix basse, mais ferme et parfaitement distincte :

— Nous nous sommes fait une rude guerre, dit-il.

— Je ne vous ai jamais attaqué, je n’ai fait que me défendre contre vous.

— Oui, fit-il avec amertume, mais quelle défense ! Oh ! je vous haïssais bien, et je sens que je vous hais encore !

— Oui, vous ne pardonnez jamais le mal que vous faites.

— Jamais !… Mais que vous importe, à présent ? La partie est décidée, je l’ai perdue, perdue sans retour !… ajouta-t-il avec un sourd grondement.

— À quoi bon parler de ces choses ? dit Julian avec un léger mouvement d’épaule.

— C’est vrai ! Enfin, c’est fini, la fatalité était sur moi ! Vous ne me haïssez donc pas, vous, que vous me donnez ainsi des soins ?