— Merci.
— J’aurais pu le garder. Faudrait pas en prendre l’habitude. Cette fois-ci, c’est pour compenser le refus que je viens de te faire.
— Tu refuses décidément.
— Oh ! il n’y a pas ! il n’y a pas ! C’est de la trop mauvaise société pour moi.
— Délicat ! faudrait-il pas te présenter des ambassadeurs ? Accepterais-tu ?
— Ça dépend des puissances. On pourrait voir.
— Allons, c’est bon ! grogna Coquillard ; t’es pas un vrai, t’es pas un pur ! Tu r’naudes !…
— Comment que tu dis ça ?
— Tu renaudes.
— À la bonne heure, c’est bien épelé, mais c’est mal raisonné.
— Alors tu acceptes ? t’es des nôtres ?
— Zut en musique !
— Au diable ! fit Coquillard en frappant violemment le plancher de la chambre du bout de son lourd rotin.
— On y va, répondit Mouchette. Et d’abord ne défonçons pas le plancher de maman Pacline. Quoi donc qu’elle dirait à son retour ? Faudrait qu’elle aille digérer sa goutte chez le voisin d’au-dessous.
— Voyons, une dernière fois, en es-tu ? n’en es-tu pas ?
— T’auras qu’un liard. Pourquoi que tu veux, à c’t’ heure, me mettre mal avec l’autorité ? Il ôta sa casquette d’un air profondément respectueux en prononçant ce dernier mot, à la manière de monsieur Prudhomme. — J’ n’ai pas besoin qu’elle se charge de mon logement et de ma nourriture.
— Que t’es bête !
— Je te donne dix ans pour me prouver cette périphrase.
— Périphrase ! Il n’y a pas de périphrase là-dedans, répondit Coquillard, qui pas plus que Mouchette ne se doutait de ce que ce terme de rhétorique veut dire.
— Mon p’tit Coquillard ! ce n’est pas une injure ! Je m’esbigne de cette affaire-là parce que je crois que vous aurez la rousse sur les reins.
— La rousse ? Je t’en soigne. Elle n’y verra que du feu !
— Possible ! mais, vois-tu, ma p’tite chatte, je suis comme les pierrots, moi ; il me faut la grande air et le parfum du ruisseau. J’ peux pas vivre en cage, j’avalerais mes barreaux, et ce serait malsain.
— Faut tout connaître, dans ce bas monde, répondit philosophiquement Coquillard, en mâchant le reste de son bout de cigare éteint, dont il s’était fait une chique.
— Possible. Mais quand on a un état…
— T’as un état, toi ?
— Moi ! oui, moi !
— Depuis quand ?
— Depuis hier.
— Et cet état, voyons un peu !
— Devine.