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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/196

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— Ainsi, nous pouvons débarquer ?

— Selon votre bon plaisir.

— Et nous rendre directement à Casa-Real ?

— Depuis quatre jours, je suis à Matanzas avec cinquante esclaves ; deux palanquins sont préparés pour le voyage ; les mules de charge attendent tout harnachées dans les corrales de la posada de l’Espiritu-Santo.

— Loin d’ici ?

— À dix pas.

— Sur le port ?

— Sur le port même. Un seul mot de Votre Seigneurie, et dans deux heures nous serons en route pour l’habitation.

— Et nous arriverons ?

— Au coucher du soleil.

Le comte n’hésita plus.

Il se leva.

— Eh bien ! partons. J’ai hâte de remettre le pied sur le sol natal. Vous permettez, n’est-ce pas, monsieur le capitaine, que mes esclaves débarquent mes bagages ?

— J’ai fait monter les caisses et les malles sur le pont, monsieur le comte, le transbordement peut commencer sur-le-champ.

— Il sera terminé en combien de temps ?

— En moins d’une heure. Mon second a reçu les ordres nécessaires pour que tout marche au plus vite.

— Merci, capitaine. Allez, Marcos. Ne perdez pas de temps. Dès que les mules seront chargées, venez me prévenir.

Le majordome sortit.

Le capitaine Noël allait le suivre.

— Où allez-vous ? lui demanda vivement la comtesse.

— Surveiller moi-même le transport…

— Ne prenez pas cette peine, cher monsieur Noël… Marcos Praya est un serviteur intelligent, il fera le nécessaire.

— Et je vous l’ai dit tout à l’heure, j’ai une prière à vous adresser. Demeurez un instant encore, dit le comte.

— À votre disposition, monsieur le comte.

La créole respira.

Elle savait évidemment ce que son mari allait demander au capitaine, et elle ne prévoyait pas de refus.

Le comte reprit :

— Capitaine, j’ai un service à vous demander.

— Monsieur le comte, considérez-le comme rendu.

— Je comptais sur cette bonne réponse, et j’y attachais une grande importance.

— Parlez, et s’il est en mon pouvoir de vous satisfaire…

— Cela ne dépend que de vous.

— De moi… seul ?

— De vous seul.