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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/275

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PASSE-PARTOUT

I

LA FIDÉLITÉ GAÉLIQUE

Maintenant nous demanderons au lecteur la permission d’abandonner nos personnages eu pleine mer, à quinze cents lieues des côtes de France, à plus de dix-sept cents lieues de ce Paris où ils ont vu quelques-uns d’entre eux à l’œuvre dans la première partie de notre histoire.

Nous reprendrons notre récit au point où nous l’avons interrompu en terminant notre précédent volume, c’est-à-dire le matin du dimanche gras 1847, presque à la même heure où Passe-Partout faisait une si étrange visite à M. Jules dans son cabinet de la rue des Noyers.

Transportons-nous donc rue d’Astorg où nous retrouverons des personnages que les nécessités de notre drame nous ont forcé à abandonner trop longtemps.

La rue d’Astorg est une rue neuve.

Son histoire ne se compose que d’un nom et d’une date.

Cette rue n’a point de passé ; grâce aux embellissements de la métropole, peut-être aura-t-elle un avenir.

Percée de 1776 à 1780 sur des terrains vagues, propriétés du lieutenant général d’Astorg, elle a conservé le nom de son ancien propriétaire.

Tirée au cordeau, large et bordée de maisons élégantes, mais sans aucun débouché commercial, cette rue était alors une des plus désertes, et par conséquent une des plus tranquilles de Paris.

L’herbe poussait, comme dans un pré, entre ses pavés disjoints.

Quelques rares passants, qui auraient pu se croire égarés, la traversaient de temps à autre.

Si, par hasard, une voiture s’y hasardait, la chose ne passait pas sous silence ; on en parlait dans le quartier, et toutes les portières, douairières ou non, commentaient, bavardaient, cherchaient à qui mieux mieux la raison pour laquelle cette voiture s’était permis ce détour inutile.

Ces magnifiques demeures, construites sous le règne de Louis XVI, servaient de retraite à de petits rentiers, à des artistes ou à des grisettes.

Il y avait encore des grisettes.

C’était le bon temps.

Il n’y en a plus, hélas ! disent nos pères.

Il n’en reste plus !… quelle chance ! disent nos fils.

Toujours est-il que les propriétaires de ces demeures lambrissées d’or,