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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/444

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— Il se trouve, je crois, dans cette rue, un marchand de vin traiteur.

— Un fameux ! dit le gamin en se léchant les lèvres.

— À l’enseigne ?…

— Du Lapin courageux.

— C’est cela, fit M. Benjamin, stupéfait de voir que ce minuscule produit des vices parisiens ne se vantait pas en prétendant si bien connaître son Paris.

— Chez le père Signol, je ne connais que lui.

— Veux-tu que nous y soupions ce soir ?

— Ensemble ?

— Ensemble.

— Ah ! mon prince ! s’écria Mouchette ravi, permettez-moi de m’esbigner dix minutes.

— De quoi ? demanda l’autre, qui ne comprenait pas esbigner.

— Ah ! c’est juste… Laissez-moi aller au premier décrochez-moi-ça venu… J’y ferai un bout de toilette.

— Nigaud. Tu es très bien ainsi.

— Comme il vous plaira. Ainsi nous irons ?

— Ce soir même.

— C’est une maison très rupe. Et il vous a une cave pour les amis, le père Signol ! mais une cave !… à y faire pousser de la vigne ! quoi ! Y allons-nous tout de suite ?

— Non, plus tard.

— Nous allons nous promener à l’heure, encore longtemps, dans cette roulante ? objecta timidement le voyou désappointé.

— Auparavant, j’ai une visite à faire.

— Avec moi ?

— Oui.

— Où ça, donc ?

— Chez une tireuse de cartes.

Mouchette fit un bond sur son coussin.

— Chez une ?… demanda-t-il, croyant avoir mal compris.

— Une tireuse de cartes. Cela t’effraye ?

— Moi ! le plus souvent. J’ai votre affaire.

— Si tu n’es pas le diable, tu es son fils, dit M. Benjamin presque sérieux.

— Je lui demanderai ça plus tard, répliqua Mouchette sur le même ton. Si vous n’avez pas de préférence ?…

— Aucune. Cependant on m’a indiqué une vieille femme, nommée…

— La Pacline ?… continua-t-il.

— Oui.

— Rue de la Calandre ?

— Juste.

— Ah ben ! en v’là une de chance ! C’est là que je veux vous conduire.

— Donne l’adresse au cocher et allons-y.

— Et ensuite ? Après la séance ? Est-ce le grand jeu que vous demanderez ?

— Naturellement.

— Ce sera plus long. Une bonne heure au moins. Enfin, après la séance ?…