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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/467

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— Quoi ?

— Ils sont là !

— Ne devaient-ils pas venir ? répliqua M. Bergeret douloureusement.

— Oui… mais tu…

— Ma Louise ! mon ange adoré ! mon plus grand tourment, à cette heure suprême, est de te voir près de moi.

— Tais-toi ! Je ne donnerais pas ma place, près de toi, pour une éternité… Bergeret, il faut partir, partir tous les deux !

— Impossible ! fit l’homme. Il faut user de ruse, pour que je ne tombe pas entre leurs mains !

— Parle !

— Écoute ! Je vais entrer dans ma chambre…

— Après ?

— Dès que j’y serai, tu ouvriras aux agents de ce misérable Jacob Kirschmark…

— Leur ouvrir !…

— Oui !

Elle allait répondre que mieux valait laisser enfoncer la porte, qu’elle se ferait tuer plutôt que de leur permettre d’arriver jusqu’à lui ; mais on frappa, et une voix forte et lente prononça distinctement ces mots irrésistibles :

— Ouvrez ! au nom de la loi !

M. Bergeret fit un signe.

Louise comprit.

Elle se dirigea vers le fond du salon et répondit :

— J’ouvre, messieurs, j’ouvre.

Ses jambes ne la soutenaient plus.

Elle s’assit en murmurant :

— J’ai peur !

Les émotions successives par lesquelles passait sa pauvre tête réagissaient sur ce cœur si fort, si dévoué.

Pendant ce mouvement, le père saisissait sa fille et l’embrassait convulsivement.

L’enfant ne disait rien.

Elle regardait son père d’un air grave, qui témoignait de la précocité de son intelligence.

Louise, s’apercevant du désespoir muet de son mari, se releva et revint sur ses pas :

— Bergeret, lui dit-elle, pourquoi veux-tu que j’ouvre cette porte ?

— Ces gens veulent m’arrêter, tu le sais.

— Eh bien ?

— Retiens-les quelques instants. Attire-les ici.

— Et pendant ce temps-là ?

— Tu m’as compris. Je descends par la fenêtre de ma chambre, qui se trouve à peine à quelques pieds du sol.

— Si cela se pouvait !…

— Cela se pourra, et je serai sauvé !