— Tout de suite ? continua-t-elle d’un air mécontent.
— Oui. Pour le moment, je n’ai rien à faire ici.
— Vous reviendrez alors ?
— Dans peu de temps, soyez tranquille.
Fifine regarda Filoche et baissa la tête sans répliquer.
Celui-ci fit timidement observer à M. Jules qu’à son réveil le blessé ne serait peut-être pas satisfait de ne pas avoir été réveillé pour s’entendre avec lui.
Ce n’était pas l’opinion de l’ex-chef de la police de Sûreté, qui les entraîna sur le palier, où il leur parla tout à son aise.
Après leur avoir répété que, momentanément, la vue du comte de Mauclerc blessé lui suffisait, il ajouta :
— Maintenant, mes agneaux, écoutez-moi bien, si vous ne voulez pas avant quarante-huit heures être emballés de nouveau et retourner au pré, dont vous faisiez le plus bel ornement, il y a à peine quelques petites années…
— On sait ça… répondit sourdement la femme, en devenant un peu plus pâle… on sait ça comme vous…
— Tu dis ?
— On s’y est rencontré avec vous, monsieur Jules, et on ne l’a pas oublié.
Un éclair de rage sortit de l’œil de l’ex-agent. Il regarda tour à tour Fifine et Filoche, puis voyant qu’il n’y avait pas moyen de rabaisser le caquet de la femme et de relever le museau narquoisement baissé de l’homme, il ajouta :
— Bien, la mère ! toujours la même. À l’occasion, je m’en souviendrai.
— Ne nous menacez pas, alors, grogna celle-ci.
— Nous sommes de bons zigs, patron, continua Filoche, qui lui donnait ce titre pour le désarmer.
Il réussit à moitié.
— Je ne vous menace pas, mes enfants, reprit M. Jules, je vous avertis. Voilà tout.
— Un bon averti en vaut deux ! murmura Fifine.
— Elle parle aussi bien que du temps de Buteux, interrompit ironiquement l’ex-agent.
Fifine le regarda de travers.
Il ne fit qu’en rire.
— Répondez-moi ! dit-il avec autorité.
— Vous n’avez qu’à parler.
— Quelqu’un sait-il que ce particulier a été recueilli par toi, Filoche ?
— Personne.
— Personne… de la maison ?
— Je l’ai amené et monté la nuit passée. Il n’y avait pas un chat dans l’escalier.
— Qui habite cette maison ?
— Des ouvriers des ports, déchargeurs ou débardeurs, comme moi trop fatigués de leur journée pour s’inquiéter de la nuit de leurs voisins.
— C’est bien. Mais on t’a aidé pour transporter le blessé jusqu’ici ?
— Deux camarades.