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Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/617

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copique, dissimulée aux yeux des indifférents par des lierres entrelacés avec des plantes grimpantes.

La porte tourna sans bruit sur des gonds sans doute bien huilés à l’avance.

L’homme entra vivement.

Il referma la porte sur lui et remit la clef dans sa poche.

Il se trouvait au milieu du parc.

À deux cents mètres de lui tout au plus surgissait la masse sombre de l’ancien château.

Des arbres de haute futaie l’entouraient et le cachaient de toutes parts.

L’homme s’orienta.

Il chercha un phare, une étoile dans ces ténèbres inextricables.

Au bout de quelques pas, il découvrit un mince filet de lumière faible et tremblotant à l’une des fenêtres du rez-de-chaussée du château.

Mais ce n’était pas tout pour l’inconnu que de voir le but vers lequel devait tendre sa marche, il fallait encore qu’il arrivât à ce but qui semblait si proche.

Le parc, abandonné depuis de longues années sans doute, avait pris les allures d’une véritable forêt vierge.

Plus d’allées !

Plus de sentiers !

Herbes, plantes, branches, avaient grimpé, poussé, monté dans toutes les directions.

Des lianes entrelacées à hauteur de visage rendaient toute marche impossible.

L’homme au manteau s’arrêta d’un air désappointé.

Il écouta s’il n’entendait venir personne qui pût le guider ou l’aider à sortir de ce dédale.

Dans le parc, tout se taisait ; le calme et la solitude ; on se serait cru dans un désert, à deux cents lieues de Paris.

Au dehors, les hurlements des ivrognes et des danseurs, les accords peu mélodieux des orchestres du Grand-Vainqueur et de l’Île-d’Amour.

Faisant contre fortune bon cœur, notre homme tira de son gousset un couteau à lame tranchante, l’ouvrit, et tailladant bravement les branches qui le gênaient, brisant celles qui se trouvaient à la hauteur de ses genoux, il se dirigea autant que possible en droite ligne vers le corps de bâtiment éclairé.

Seulement, dès qu’il se vit parvenu en face d’un superbe perron en marbre, à double escalier, dont les marches étaient disjointes par les plantes parasites, il appuya un peu sur la gauche, longea l’aile qui y atennait, passa derrière, et, s’approchant d’une porte basse, il la poussa légèrement.

On l’attendait.

La porte n’était pas fermée.

Il s’engagea alors dans un étroit corridor qui, après maints détours connus de lui depuis longtemps sans doute, le conduisit enfin à l’entrée de la pièce du rez-de-chaussée d’où cette mince lumière lui était apparue.

Il y pénétra sans frapper.

C’était une grande salle style Pompadour, meublée avec élégance.