Page:Aimard - Les invisibles de Paris, 1893.djvu/664

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VII

CE QUE PEUT CONTENIR LE PIED D’UNE TABLE MOYEN ÂGE

Pendant que ces choses se passaient dans le parc et dans le jardin de la maison isolée, la vieille Brigitte, que nous avons vue recevoir d’une façon si originale le baron de Kirschmark, son maître et seigneur, rentrait dans la salle du rez-de-chaussée, où elle l’avait laissé tête à tête avec le général duc de Dinan, et où se trouvaient en ce moment Edmée et le vieux sergent.

Après s’être assurée que personne ne pouvait la voir, que nulle oreille indiscrète ne se tenait aux écoutes, elle ouvrit de nouveau la porte de communication.

— Entrez, maintenant, monsieur le vicomte, dit-elle, la place est libre.

Un homme, jeune encore, il avait trente ans au plus, pénétra vivement dans la chambre où elle se tenait.

Cet homme, le frère d’Edmée, le petit-fils du vieillard auquel le comte de Warrens et le colonel Martial Renaud donnaient le titre de duc de Dinan, demanda immédiatement au père Pinson :

— Où sont nos amis ?

— Je l’ignore, répondit celui-ci, nous ne faisons que d’arriver, la demoiselle et moi.

— Et vous, Brigitte, le savez-vous ?

— Non, monsieur le vicomte, mais vous pouvez être certain que, si vos amis ne sont pas encore arrivés, vos ennemis vous entourent.

— Dis-tu vrai ?

— Ils emplissent le parc. Je les ai vus ; quant à vos amis…

— Ils ne tarderont pas, s’écria-t-il vivement. C’est l’heure convenue. Sommes-nous seuls dans la maison ?

— Je l’espère, répliqua la vieille servante.

— Bien. Nous n’avons pas un instant à perdre.

— Vous pouvez vous mettre à l’œuvre, à l’instant même.

— Mais si l’on nous surprenait…

— Ma foi, ce serait tant pis pour les curieux…, grommela le sergent.

— Ou pour les importuns. En vérité, je ne sais si l’arrivée des nôtres ne me troublerait pas tout autant que celle de nos implacables adversaires.

Edmée, qui n’avait pas encore pris part à cette rapide conversation, se dirigea silencieusement vers la porte.

— Où allez-vous, ma sœur ? interrogea le vicomte.

— Je ferai le guet au dehors.

— Vous !

— Moi-même, mon frère. Ne craignez rien pour moi… J’ai l’habitude des ténèbres. Je veillerai et nul ne parviendra jusqu’à vous, sans que je vous prévienne.